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Crise de l'oeuf : les premiers dégâts
La directive n°1999/74/CE relative au bien-être des poules pondeuses n’en finit pas de mettre les éleveurs comme les utilisateurs d’œufs et ovoproduits en péril. La note Agreste Conjoncture publiée la semaine dernière a suscité un vif émoi, indiquant que le prix de l’œuf a progressé de 119 % de mars 2011 à mars 2012. Quant aux œufs et ovoproduits utilisés dans l’industrie, comme nous l’avions déjà signalé, les hausses ont atteint des sommets, jusqu’à 230 % entre décembre 2011 et mi-mars 2012. Pour l’avenir, les professionnels manquent de visibilité, le mois de juin étant vu comme un moment critique de reprise de la consommation, après un mois de mai apathique à cause des ponts.
Le dernier Comité de Gestion « Œufs » de la DG Agri, qui s’est réuni au niveau européen le 19 avril, n’a guère changé la donne. Quatre pays sont pourtant montés au créneau, la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique, pour faire part de leur inquiétude. En réponse, la Commission a ré-affirmé sa position, qualifiant la situation de période de transition et prévoyant un retour à la normale à l’automne, mais sans retour aux cours initiaux. Elle a reconnu la crise et son impact. Mais les marges de manœuvre sont réduites. Un signal fort a été de fixer à zéro les restitutions à l’exportation de jaune d’œufs.
En attendant, la crise fait ses premiers dégâts. Dans communiqué, le SNIPO, syndicat national des industriels et professionnels de l’œuf et des ovoproduits, indique qu’une première casserie française vient d’être placée en redressement judiciaire. Il s’agit d’Atlantic-Ovo. Fondée en 1985 par M. et Mme Le Pimpec, cette société est spécialisée dans les œufs liquides frais. 40 emplois sont menacés sur le site de Kernascleden dans le Morbihan. « Cette activité qui disparaît ne pouvait plus payer ses fournisseurs d’œufs (éleveurs, coopératives, etc.) », indique le communiqué du SNIPO.
Quant aux industriels utilisateurs d’ovoproduits, la situation reste critique. La société Délices du Palais a été placée en redressement judiciaire la semaine dernière. L’entreprise spécialisée dans les pâtisseries industrielles évoque la volatilité du coût des matières premières, notamment des œufs, et la difficulté de répercuter les hausses aux clients.
« La hausse des cours des ovoproduits vient s’ajouter aux autres difficultés. Cette situation est anormale, elle met en péril les entreprises », déclare Christine Petit, secrétaire générale du Sifpaf (syndicat des industriels fabricants de pâtes alimentaires). Elle ajoute que le problème est la répercussion de la hausse sur le prix des produits finis et les risques de distorsions de concurrence entre œufs conformes et œufs non-conformes. En effet, les élevages de certains pays, principalement l’Italie, la Pologne et l’Espagne, ont davantage de retard dans la mise en conformité aux règles communautaires. Ils disposent d’ovo-produits non exportables mais utilisés par leurs industries qui produisent à moindre coût et exportent leurs produits finis sur le marché français.