Maïs MON810

Moratoire maintenu... jusqu’à quand ?

La France et la Grèce peuvent appliquer la clause de sauvegarde sur le maïs Mon810 jusqu'à l'arbitrage d'ici trois mois des ministres européens de l'environnement.

La France et la Grèce peuvent maintenir au moins encore quelques mois leur interdiction de mise en culture du maïs OGM MON810 de Monsanto. Réunis hier à Bruxelles, les experts des pays de l’Union européenne du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale « ne sont pas parvenus à trouver une majorité qualifiée relativement aux demandes faites à la France et à la Grèce de lever les mesures d'urgence. » La Commission européenne présidée par José Manuel Barroso a demandé aux ministres de l'Environnement de l'Union Européenne leur arbitrage. Il devrait intervenir d’ici trois mois environ. Entre temps, les ministres devront se prononcer sur les deux autres pays appliquant leur clause de sauvegarde, l’Autriche et la Hongrie.

« Nous sommes excédés de ce manque de courage politique. La frilosité européenne, et surtout française, risque d'avoir de lourdes conséquences dans les années à venir » a déclaré hier Philippe Gracien, porte-parole des professionnels des semences*, suite à l’annonce de l’échec de la Commission. « Au regard des défis alimentaires et environnementaux qui nous attendent nous ne pouvons pas concevoir que l'Europe et la France ne se dotent pas de tous les outils qui puissent leur permettre d'y faire face : les OGM font partie de ces outils », a-t-il ajouté.

L'avis de l'Afssa

Le débat sur les OGM est donc relancé depuis une semaine, suite à la publication de l’avis de l’Afssa du 23 janvier 2009 concluant que le rapport qui lui a été soumis « n’apporte aucun élément nouveau qui remettrait en cause la sécurité sanitaire des maïs portant l’événement MON810 ». L'Agence confirme ses conclusions en date d'avril 2008 établissant que les maïs portant l’événement de transformation MON810 et leurs produits dérivés présentent le même niveau de sécurité sanitaire que les variétés de maïs conventionnelles et leurs produits dérivés. La semaine dernière, la Commission européenne a demandé la levée des interdictions en vigueur dans quatre pays européens dont la France depuis février 2008.
« Cela ne change en rien la position de la France : c'est comme si on se basait sur l'avis d'un dentiste pour soigner une fracture du bras », a répondu Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'Écologie. « La décision de suspendre la culture du maïs OGM a été prise en vertu du principe de précaution au regard des risques potentiels sur l'environnement en matière de dissémination pour les cultures non OGM », a rappelé François Fillon la semaine dernière, indiquant que le gouvernement français la maintiendrait dans l’attente de la décision de la Commission européenne. C’est en particulier la question de la coexistence des champs OGM et non OGM qui avait été à l’origine de la décision française.
Méthode et indépendance

Le débat est aussi alimenté par de vives critiques à l’égard de la date de publication de l’avis de l’Afssa. Jean-François Legrand, sénateur de la Manche déclare : « Dans le cas de l'Afssa, c'est ou bien de l'aveuglement, ou au pire une volonté délibérée de ne pas se poser de questions. Je considère que la publication de ce rapport avant l'examen du dossier français est une manière de tenter d'affaiblir la position du gouvernement. Mais cela a échoué. François Fillon et Jean-Louis Borloo sont restés fermes. »
Sur son site web, l’association Greenpeace indique : « On peut légitimement s'étonner de la fuite organisée d'un rapport soi-disant secret, quelques jours avant que le sort de la clause de sauvegarde française soit discuté à Bruxelles, observe Arnaud Apoteker de Greenpeace France.
Pascale Briand, directrice générale de l’AFSSA répond à ces déclarations : « Il n'y a aucun secret particulier. Il y a un traitement absolument classique. Sauf lorsqu'il y a urgence sanitaire, il y a toujours entre 15 jours et un mois entre le moment où l'on transmet un avis signé aux autorités de tutelle et le moment où on le met en ligne ».
A la lecture du communiqué de l'Afssa du 12 février, la position de Briand est légèrement différente : « L'avis signé le 23 janvier dernier a suivi le circuit normal et devrait logiquement être mis en ligne vers le 20 février. L'intérêt que semble susciter un avis, dont les conclusions ne diffèrent en rien du précédent, me conduit à le mettre en ligne dès aujourd'hui. »

Les pro et les contre OGM

De leur côté, les semenciers ont vivement réagi à la décision française de maintenir le moratoire. Pour eux, cette décision marque « un choix politique qui va à l'encontre de l'expertise scientifique et du libre choix des agriculteurs (...) Les OGM autorisés à la culture ou à la commercialisation en Europe ont tous été évalués et jugés sans risque pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires française ou européenne », précise les semenciers.

Parmi les réactions politiques, on peut noter celle de Christian Demuynck, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis : « En 2008, 1,3 millions d'agriculteurs supplémentaires ont cultivé des OGM et que les cultures OGM représentent aujourd'hui 8% du total des surfaces cultivées dans le monde. En persistant dans son refus de vouloir expérimenter des OGM, alors que notre pays dispose des meilleurs chercheurs du monde, la France se retrouve exclue de la compétition mondiale sur les biotechnologies et laisse le monopole des OGM à Monsanto donc aux États-Unis. » Il appelle « les autorités à ouvrir un débat avec les scientifiques afin que chaque Français puisse se faire une idée sans avoir à subir les pressions des lobbies pro ou anti-OGM. »

Fer de lance des anti-OGM, l’association Greanpeace est montée au créneau dès le 12 février dernier. Sur son site web on peut lire : « L'avis de l'Afssa ne répond en rien aux préoccupations qui ont justifié la clause de sauvegarde française, prise en vertu de principes écologiques et non de principes sanitaires de court terme. En annonçant jeudi en milieu de journée que la France ne remettait pas en cause la suspension des cultures de maïs OGM, le gouvernement français s'est donc engagé dans la seule voie possible. Celle du bon sens. »

* Groupement national interprofessionnel des semences et des plants, Association de l'industrie des semences oléagineuses, Chambre syndicale des entreprises françaises des semences de maïs, Union des industries de la protection des plantes

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