Ingrédients
Nutrition : « des nuances et moins de dogmes !»
Mieux comprendre le fonctionnement de la recherche, dans l’optique d’optimiser l’innovation en nutrition. Tel était l'un des objectifs d’un colloque organisé début octobre par le Synpa (Syndicat national des producteurs d’additifs et d’ingrédients de la chaîne alimentaire) à la Maison de la Recherche à Paris. Des chercheurs de renom se sont exprimés, dont Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition à l'Institut Pasteur de Lille. Ce spécialiste de l’endocrinologie invite ses confrères à tenir des discours prudents, déplorant la cacophonie nutritionnelle sévissant dans les médias. Recherche, médias, PNNS, conflits d’intérêt…, voici les principaux extraits de son intervention.
La recherche nutritionnelle
« La nutrition est une science, et à ce titre elle est complexe et elle évolue. Nous devons être prudents vis-à-vis de nos discours. Ce que je dis aujourd’hui ne sera peut-être pas vrai demain. Le but de la recherche est de démontrer si une hypothèse est fausse. Si elle n’est pas fausse, elle est peut être vraie. Hélas, trop de chercheurs disent : « moi, je pense cela et je vais vous le démontrer ». Les dogmes du type « il ne faut pas manger de x » relèvent de l’idéologie. La recherche en nutrition aboutit à une hausse des connaissances et pas forcément à des recommandations ».
Les médias
« La recherche en nutrition est dévoyée par la communication médiatique. Trop de chercheurs émettent des affirmations définitives et contradictoires, là où il devrait y avoir des nuances. Comment voulez-vous dans ces conditions que les gens ne se disent pas que les experts ont tort ? D’autant que tout le monde a son avis sur la nutrition. On est tous experts ! Dès lors, l’expert est remis à sa place, sauf s’il est modeste et prudent. »
Une science humaine
« La nutrition est une science exacte mais aussi une science humaine. C’est un sujet chaud qui touche intimement chacun d’entre nous. Beaucoup de complexité et de variabilité sont dépendantes des préférences individuelles, de la génétique, etc. En clair, nous sommes complètement inégaux face à l’alimentation. Il ne faut pas faire croire le contraire. »
Le PNNS
« Le Programme National Nutrition Santé ne doit pas être un dogme infaillible. Il faut éviter l’homo-PNNSus ! Le PNNS donne une légitimité à la diversité nutritionnelle, mais il ne faut pas en faire quelque chose d’universel. Globalement, le statut nutritionnel de la population française s’améliore, sauf sur des poches de pauvreté sur lesquelles il faut concentrer les efforts. »
Conflits d’intérêt
« Nous vivons un retour en arrière dommageable. Travailler avec le privé est désormais considéré comme une source de conflits d’intérêt. Ce qui conduit à une nouvelle recomposition des experts de l’Anses. Dès qu’une collaboration avec un industriel est identifiée, on est banni ! C’est très dommageable. Car plus on travaille avec des partenaires privés, plus l’expertise s’accroît. Bientôt, on aura dans les agences des gens qui n’auront jamais travaillé avec personne. »