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Pas assez d’œufs alternatifs pour la distribution
En parallèle de la guerre des prix à laquelle se livrent les distributeurs, une nouvelle tendance s'affirme. Les aspects environnemental et bien-être animal prennent de l'ampleur, parfois en ignorant la réalité de la filière. Si les producteurs bio se réjouissent de l'essor de ce label en grande surface, le son de cloche est différent chez la filière œuf. On observe depuis 2015 un basculement des industriels, de la restauration collective et des distributeurs vers des œufs d'élevages alternatifs, c'est-à-dire non issus de poules en cage. L'initiative est louable et les distributeurs rivalisent autour d'engagements pour des œufs 100 % alternatifs à plus ou moins long terme :
- Monoprix a basculé l'ensemble de ses œufs en élevage alternatif en 2016,
- Carrefour, Intermarché, Netto, Leclerc ont annoncé la suppression des œufs de poules en cage d'ici 2020 sous leur marque de distributeur et d'ici 2025 pour l'ensemble de leurs rayons,
- Franprix, Leader Price et Casino ont pris l’engagement de ne plus vendre d'œufs de poules élevées en cage dans leurs magasins d’ici trois ans, sous marque propre et sous marque nationale,
- Système U a opté pour les œufs alternatifs pour ses MDD à horizon 2020,
- Les discounters Lidl et Aldi ont de leur côté annoncé des engagements à 2025 pour supprimer les œufs issus de poules en cage.
Des annonces sans concertation de la filière
Sauf que… la filière n'est pas encore prête. Le CNPO (Comité National pour la Promotion de l’Oeuf), représentant l'interprofession de l’œuf, tire la sonnette d'alarme. Il explique que « la quasi-totalité des enseignes de distribution a fait des annonces de retrait définitif, sans tenir compte ni des contraintes de temps ni des problématiques techniques et encore moins de l’impact économique de ce chantier de très grande envergure pour les éleveurs. » L'interprofession dénonce des effets d'annonce sans concertation, avec des objectifs intenables.
Pour Casino et Netto, « cette démarche est mise en place en concertation avec la filière et sera déployée progressivement. D’ici 2025, les éleveurs auront le temps nécessaire pour s’adapter aux nouvelles exigences et développer des méthodes d’élevage alternatives à la cage aménagée. »
Or la mise aux normes européennes a déjà coûté 1 milliard d'euros à la filière en 2012 et les producteurs n'ont pas les moyens de changer de système d'élevage aussi rapidement. En 2015, le CNPO avait déjà fixé un objectif de passer de 32 à 50 % de poules en systèmes alternatifs d’ici 2022, avec un investissement estimé à 500 millions d'euros. La possibilité d'atteindre les 100 % en 2025 paraît donc difficilement tenable.
Les professionnels appellent donc les enseignes à assumer leur part de responsabilité dans cette évolution et notamment à contribuer au financement des arrêts de production en cages à hauteur de 100 millions d’euros sur les 500 millions nécessaires. Dans le cas contraire, il faudrait s'attendre à la "multiplication des ruptures d’approvisionnements, ainsi qu’à une explosion des importations avec un risque de faillite de la filière française", indiquent les professionnels.