Qualité
Bisphénol A : un nouvel avis de l’Anses relance la polémique
L’Anses a publié la semaine dernière deux nouveaux rapports sur le désormais célèbre bisphénol A (BPA). L’un relatif aux effets sanitaires du composé et l’autre à ses usages. Résultat : face à de nouvelles données, les scientifiques lancent un appel à contributions pour trouver des alternatives afin de réduire l’exposition des populations les plus sensibles.
La toxicologie alimentaire est un domaine mouvant, en évolution permanente. Comme le soulignait le toxicologue Jean-François Narbonne lors d’une conférence le mois dernier : « Il n’y a pas si longtemps on évaluait les impacts d’un composant en milligramme par kg de poids corporel. Nous sommes maintenant rendus au picogramme par kg de poids corporel ». Et cette nouvelle ère, celle du picogramme, est aussi celle de nouvelles molécules découvertes comme les fameux « perturbateurs endocriniens », dont le BPA fait partie.
Les perturbateurs endocriniens : des molécules aux effets flous
Comme le souligne le rapport de l’Anses : « les perturbateurs endocriniens sont définis de manière générale comme des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle qui peuvent interférer avec le fonctionnement des glandes endocrines, organes responsables de la sécrétion d’hormones ».
Derrière ce terme il n’y a donc pas directement de maladies que l’on peut nommer. « Avec les évolutions technologiques nous pouvons maintenant déterminer l’effet d’un produit à l’échelle moléculaire. On peut savoir qu’il interfère avec tel ou tel autre fonctionnement du corps humain. Mais en fait, perturbateur endocrinien ne veut pas dire grand chose… Quelle maladie se cache derrière ? Nous l’ignorons ! », explique Jean-François Narbonne.
Les avis des scientifiques évoluent
L’an dernier pourtant, l’Efsa (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) indiquait dans un rapport qu’à la suite d’un examen détaillé et exhaustif de la littérature scientifique récente et d’études sur la toxicité du bisphénol A à faibles doses, qu’aucune nouvelle preuve n’amenait à reconsidérer la dose journalière tolérée. Mais, cet avis ne faisait pas consensus. Dans le groupe des experts, un membre exprimait un avis minoritaire mentionnant que certaines études faisaient état d’incertitudes en ce qui concerne des effets indésirables sur la santé à un niveau inférieur à la dose journalière tolérable aujourd’hui fixée.
Un avis que rejoint le dernier rapport de l’Anses. Après analyse de la littérature scientifique, l’Agence met en évidence des effets sanitaires avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme, même à de faibles niveaux d’exposition. Le groupe d’experts suspecte ainsi des effets du bisphénol A sur la reproduction, le métabolisme des sucres et des graisses et des pathologies cardiovasculaires. Des effets mis en évidence à des doses notablement inférieures aux doses de référence réglementaires.
Vu les faibles doses de bisphénol A ayant des effets, notamment lors de certaines phases de la vie, il convient selon l’Agence de chercher à faire baisser les niveaux d’expositions. La solution retenue est donc de chercher à substituer le BPA.
Substituer le BPA : un travail "long et complexe"
Un défi à relever qui n'est pas forcément évident vu le rôle important joué par ce composé. Comme le souligne l’Ania, le BPA est utilisé depuis plus de 40 ans dans les emballages alimentaires notamment pour ses qualités d’étanchéité et les substituts testés jusqu’alors n’apportent pas la même satisfaction. L’organisation interprofessionnelle s’engage à se lancer dans les projets de recherche demandés par l’Anses pour trouver de nouveaux substituts au BPA, même si elle note que les différentes conclusions divergentes sur le BPA sont « pour le moins déroutantes pour les professionnels du secteur comme pour le consommateur ».
Ce que demande surtout l’Ania, c’est que la substitution du BPA, qui sera « longue et complexe » se fasse au bénéfice de composés dont la non-dangerosité est avérée, « au risque de repartir sur ce même débat dans quelques années ».
Histoire aussi, de ne pas connaître les mêmes problèmes que certaines enseignes de grande distribution ayant substitué le BPA de leurs tickets de caisses par du bisphénol S, « un composé bien plus persistant et lui aussi soupçonné d’être un perturbateur endocrinien », note Jean-François Narbonne.