Qualité
Critères indicateurs d’hygiène des procédés : la fin du grand flou
Processalimentaire.com : « Quelle est selon vous la philosophie générale de l’avis de l’Afssa du 28 mars 2008 ? »
Christophe Dufour : « On peut dire que c’est la fin du grand flou pour de nombreux professionnels. Le document de l’Afssa réaffirme le rôle et l’importance de la maîtrise sanitaire des procédés alimentaires. Il donne une image globale qui est en concordance avec ce que la plupart des professionnels ont mis en place via leurs fédérations interprofessionnelles. Ces éléments sont suffisamment explicites pour permettre la mise en œuvre de ces nouveaux critères en aidant et en accompagnant les professionnels. Concernant certains aspects, il peut toutefois y avoir un décalage entre les documents évalués par l’Afssa et ceux sur lesquels les professionnels continuent de travailler depuis un an et demi voire deux ans.
Cependant, la saisine de l’Afssa sur la base de laquelle a été rendu cet avis ne concerne que l’évaluation des indicateurs d’hygiène des procédés stricto sensu, c’est à dire ceux en rapport avec la fabrication de produit « à la sortie de l’usine » ou « à la remise au consommateur ». Le document ne fait donc pas référence à d’autres volets très importants dans les plans de contrôle sanitaires des usines et des établissements de restauration comme par exemple les indicateurs d’hygiène à DLC ou ceux relatifs aux analyses de surface. Pour le moment, il n’y a pas de documents de référence disponibles sur ces sujets qui sont des éléments fondamentaux de la maîtrise du risque sanitaire alimentaire selon les principes HACCP. »
Processalimentaire.com : L’avis pointe des difficultés rencontrées par le groupe de travail de l’Afssa. Les experts notent que « plusieurs propositions des fédérations ne visent pas les opérations propres à l’exploitant mais celle des fournisseurs et de ce fait les critères proposés ne sont pas toujours pertinents. ». Qu’en pensez-vous ?
C. D. : « Quand on est un acteur de la chaine de transformation situé plutôt en aval de filière - un assembleur par exemple - il semble pertinent et légitime d’avoir des indicateurs portant à la fois sur ses propres procédés et sur les matières premières. Un indicateur en rapport avec les intrants est donc nécessaire pour avoir une meilleure interprétation en cas de contamination observée. »
Processalimentaire.com : Le groupe de travail indique aussi que des fédérations différentes donnent des noms différents à des produits identiques et « regrette que la concertation entre fédérations, que l’Afssa avait souhaitée, n’ait pas eu lieu ». Quelle est votre analyse ?
C. D. : « Il semble important de prendre en considération le procédé de fabrication et non le produit lui-même pour juger des indicateurs d’hygiène appropriés. Cependant, il est clair que les noms attribués à un « procédé de fabrication » peuvent varier d’une filière à une autre pour le même type de produit. De plus, les fédérations ont légitimement rédigé leurs guides de bonnes pratiques en fonction du langage parlé dans leurs métiers respectifs. Les disparités de dénomination peuvent donc apparaître à ce niveau. Il faut comprendre dans cette difficulté pointée par l’Afssa un encouragement vers plus d’homogénéisation entre les différentes dénominations. »
Processalimentaire.com : L’avis note la redondance de certains critères : « Par exemple, il n’apparaît pas utile de surveiller plusieurs indicateurs de contamination fécale comme Escherichia coli et Salmonella. ». Qu’en pensez-vous ?
C. D. : « Salmonella ne peut en effet pas être considéré comme un indicateur d’hygiène des procédés sauf dans les produits crus. Il est donc légitime de ne conserver que E. coli de ce point de vue. Salmonella reste cependant un germe important à surveiller dans le cadre des autocontrôles car il est responsable de nombreuses toxi-infections alimentaires collectives en France et en Europe. »
Processalimentaire.com : Pour les experts de l’Afssa, le ratio 100 proposé pour la flore totale par rapport à la flore lactique lui semble « considérablement trop élevé ». Il conseille plutôt de prendre une valeur inférieure à 10, « plus représentative d’une entreprise performante en matière d’hygiène et de propreté. » Que proposent les interprofessions ?
C. D. : « L’interprétation de la flore totale en fonction de la flore lactique est un vrai progrès dans le pilotage moderne des indicateurs d’hygiène des procédés. Techniquement, les ratios flore totale / flore lactique ont été proposés par différentes interprofessions tout en notant bien qu’une confirmation scientifique était nécessaire à cause du manque d’historique sur ce point. L’Afssa indique donc que ce ratio pourra être abaissé, ce que certaines fédérations ont déjà envisagé dans leurs projets de critères de procédés. Les professionnels auront donc très certainement à travailler pour affiner leurs calculs. »
Processalimentaire.com : Qu’en est-il des plans d’échantillonnage à un seul échantillon rappelés dans cet avis ?
C. D. : « L’avis réaffirme la pratique courante mise en place par les professionnels des plans d’échantillonnage réguliers avec un échantillon réduit à une seule unité (n=1) en routine sauf en cas de validation (n=5). L’Afssa rappelle l’augmentation relative de fiabilité quand on augmente le nombre de produits prélevés par lot. Cette approche de prélèvement unique est une façon moderne de gestion des plans d’échantillonnage. Elle permet de suivre l’évolution de ses produits et de ceux de ses fournisseurs dans le temps, ce qui peut se concrétiser sous forme de cartes de contrôle. »
Processalimentaire.com : Comment analyser la réintroduction de la notion « d’estimation de l’incertitude de mesure » ?
C. D. : « La notion d’incertitudes n’était en effet pas évoquée dans le règlement 2073/2005/CE. La réintroduction de ce concept dans le présent avis risque de rendre le discours peu clair vis à vis des professionnels. En effet, certaines interprofessions ont déjà élaboré leurs critères en intégrant les incertitudes de mesure dans l’interprétation des résultats (plans à deux classes). »
Les grandes familles de germes décrites dans le document
Processalimentaire.com : L’avis du 28 mars 2008 privilégie la recherche des anaérobies sulfito-réducteurs (ASR) dans les produits de charcuterie crues, les plats cuisinés, les pâtisserie et les desserts. Pourtant, dans la liste des indicateurs publiés dans l’avis du 18 Janvier 2007 , l’Afssa n’avait-elle pas recommandé un contrôle sur Clostridium perfringens ?
C. D. : « Il y a en effet une contradiction apparente entre les deux documents. Ce qu’il faut comprendre sur un plan microbiologique pratique, c’est que les deux familles de germes sont pour une grande part superposées. La présence d’ASR pourrait être surveillée sur les produits plutôt en amont de la filière, tandis que l’indicateur C. perfringens serait plus approprié dans les produits en aval. »
Processalimentaire.com : Concernant Bacillus cereus, une limite de 100 UFC/g est recommandée. Pour quelle raison ?
C. D. : « Bacillus cereus est en effet réaffirmé en tant qu’indicateur intéressant pour des produits à base de féculents et de légumes cuits, ce qui est une bonne approche. La limite de 100 UFC/g a été affirmée comme objectif global sur l’ensemble des produits. »
Processalimentaire.com : Enfin, qu’en est-il de la pertinence entre les critères sur les entérobactéries et les E. coli ?
C. D. : « Dans cet avis, on peut noter la disparition du monitoring des coliformes à 30°C alors que celui des coliformes thermotolérants reste seulement dans les produits de la pêche. C’est en cohérence avec les évolutions des indicateurs mis en place par de nombreux professionnels. Par contre, abandonner les entérobactéries au profit E. coli peut s’avérer être un vrai challenge pour les acteurs n’ayant pas choisi ce germe comme indicateur jusqu’à présent, par exemple dans le secteur de la charcuterie. Cela pourrait entrainer aussi un léger surcoût au niveau de l’analyse. »
A lire
- Avis Afssa (2007-SA-0174) du 28 mars 2008
- Avis Afssa (2006-SA-215) du 18 Janvier 2007
Que s’est-il passé depuis le 1er janvier 2006 ?
L’Avis Afssa 2007-SA-0174 du 28 mars 2008 était très attendu de la part des professionnels de l’agroalimentaire. Depuis le 1er janvier 2006 et la mise en application du « paquet Hygiène » européen, les arrêtés ministériels et inter-ministériels nationaux ont été abrogés concernant les indicateurs d’hygiène. Ils ont vocation à figurer dans les Guides de bonnes pratiques d’hygiène sectoriels (GBPH). Cependant, la plupart de ces derniers n’étant pas encore achevés - et donc pas validés – l’attente risquait de créer progressivement le flou. Saisie sur ce sujet par la DGAL et la DGCCRF, l’Afssa avait donné une première réponse publiée le 18 janvier 2007 pour permettre d’assurer une transition entre l’utilisation des critères abrogés et la publication des GBPH sectoriels. Cet avis (2006-SA-215) donnait la liste des indicateurs principalement utilisés en France dans la plupart des filières alimentaires (excluant l'eau destinée à la consommation humaine), ainsi que l'interprétation qui peut être faite de leur présence en quantité excessive.