Haro sur les alertes sanitaires
Albert Amgar, p-dg d’Asept,
« Il faut plus de transparence et d’efficacité dans la diffusion des alertes alimentaires »
« L’exemple de Socopa illustre une fois de plus les dysfonctionnements du dispositif d’alertes alimentaires en France. Ceci est vrai à la fois dans la chaine de décision qui procède au retrait des lots et dans la communication des informations effectuées vers les consommateurs. Dès la révélation du Parisien dans son édition du 25 mars 2008, on a pu lire de nombreux articles vagues ou erronés dans la presse grand public : « Alerte à la viande avariée » alors qu’il s’agit de la présence d‘E. coli O157:H7, « Une quarantaine de malades » alors qu’aucun lien de cause à effet n’avait été mis en évidence entre les symptômes présentés par ces personnes et la consommation de la viande, etc… La diffusion du message d’alerte ainsi déformé n’a fait que brouiller l’information destinée aux consommateurs. Bref, à part les affichettes apposées dans les magasins, la question est de savoir où l’on peut trouver les communiqués bruts envoyés par les pouvoirs publics concernant les alertes alimentaires en France… Sur ce point, la Belgique ou le Royaume-Uni organisent une information quotidienne, transparente et directe vers leurs consommateurs.
Bonnes pratiques de consommation. Sur les produits frais à DLC courte comme la viande hachée, l’information du grand public passe aussi par des conseils clairs aux restaurateurs et aux consommateurs, permettant de prévenir les conséquences des contaminations d’E. coli. Conformément à la note d’information DGAL/SDSSA/O2007-8001 du 13 février 2007 , le Ministère de l’Agriculture rappelle dans un communiqué du 29 mars 2008 l’importance de « la cuisson à cœur des steaks hachés, la bactérie étant détruite par une température de 65°C ». Sur son site Internet, l’Afssa maintient quant à elle la recommandation faite par « différentes instances de sécurité sanitaire [de] maintenir une température à cœur de 70°C pendant 2 minutes pour la cuisson pour les steaks et steaks hachés de bœuf ». Cette dernière recommandation est aussi celle conseillée par Asept, en particulier pour les enfants et les personnes âgées qui son les plus sensibles à ce type de contamination. »
Patrice Arbault, président de Nexidia et fondateur de Bioadvantage Consulting,
« Il faut affiner le diagnostic de confirmation sur les souches virulentes »
« En France, les contrôles ne sont pas systématiquement réalisés sur E. coli O157. Le paquet hygiène n'y fait pas directement référence. Mais la filière viande a mis en place des plans de contrôle réguliers de la bactérie, en particulier sur les produits frais à DLC courte. D'après les communiqués de presse, la société Socopa aurait d'ailleurs détecté la présence d'E. coli dans les steaks hachés lors de contrôles internes. Une récente note de service de la DGAL du 4 mars 2008* mentionne E. coli O157, notamment au niveau du plan de maîtrise sanitaire pour les viandes hachées et de la gestion des résultats d'analyse non-conformes. Il est précisé que « les mesures de gestion sont mises en œuvre lorsque le laboratoire national de référence a confirmé la présence d'E. coli O157 :H7 ». Dans le cas de Socopa, cette confirmation du centre de référence a entraîné le rappel de lot avec information du consommateur. Mais il serait aussi intéressant d'analyser le circuit logistique des échantillons qui n'a permis la confirmation de la contamination que 10 jours après la date de production des steaks hachés. Sur des produits frais à DLC courte, il faut aussi privilégier une logistique rapide avec des temps d'acheminement courts dans les laboratoires d'analyses. L'idéal est de pouvoir installer les contrôles analytiques des paramètres importants sur les sites de production … encore faut-il que les méthodes soient réalisables sur ces lieux de production.
Travailler sur l'isolement. Concernant le délai de confirmation, il peut se justifier par les connaissances actuelles dans le domaine et par les méthodes de détection utilisées. Plusieurs d'entre elles - reconnues en autocontrôles et contrôles officiels - permettent le screening d'E. coli O157 dans les aliments carnés frais : méthode de référence NF ISO 16654 (utilisation de billes immuno-magnétiques et confirmation sur milieux gélosés) ; méthode validée AFNOR (telle que VIDAS ECO/ICE - méthode immuno-enzymatique). Elles nécessitent toutes les deux une étape supplémentaire de confirmation pour identifier les souches pathogènes STEC producteurs de shiga-toxines, possédant les gènes de virulence « stx », et les souches EHEC entérohémorragiques, pathogènes humains. Ces dernières se retrouvent en majorité au sein des cinq sérotypes O157, O26, O103, O111 et O145.
Pour affiner le diagnostic de détection et la confirmation des souches pathogènes d'E. coli, de nouvelles méthodes de biologie moléculaire utilisent la PCR pour détecter directement et rapidement à la fois les séroptypes importants et les gènes de virulence. Elles permettent aussi de supprimer les réponses parasites des autres genres bactériens comme Salmonella ou Citrobacter - souvent en copopulation avec les E. coli - qui peuvent introduire des résultats faussement positifs. Ces nouveaux tests multiparamétriques, tels que ceux proposés par GeneSystems, permettent l'obtention de plusieurs résultats en une analyse et s'intègrent assez facilement au sein des laboratoires. »
* (DGAL/SDSSA/N2008-8044) Objet : Production de viandes hachées et préparations de viande dans les établissements agréés ou dérogataires à l'agrément.
Rappel des faits
10/11 mars 2008 : La viande hachée est produite et conditionnée sur l’abattoir Socopa de Coutances (Manche). Marques : Monoprix et Carrefour. DLC au 17 et 18/03/08. Agrément sanitaire n° FR 50.147.02.
17 mars 2008 : les premières analyses conduites par l’industriel révèlent la contamination par E. Coli O157 :H7
19/03/08 : le laboratoire de référence (ENV Lyon) confirme la contamination
20/03/08 : Socopa alerte la DSV de la Manche qui informe elle-même la DGAL.
21/03/08 : Carrefour appelle les clients concernés et repérés via leurs cartes de fidélité. Des affichettes destinées aux consommateurs sont apposées dans les magasins.
Des échanges plus rapides
Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, vient de charger la Direction Générale de l’Alimentation de lui faire très rapidement des propositions visant à améliorer la rapidité des échanges d'information en situation de non conformité sur un produit frais dont la date limite de consommation est courte. Développement des méthodes d’analyse, actions de prévention, gestion des alertes sanitaires… Comme plusieurs de ces voisins européens, la France pourrait donc se doter prochainement d’un outil de diffusion des alertes directement vers consommateur.