Interdits depuis 2018, les néonicotinoïdes pourront être autorisés de manière transitoire par le projet de loi n°483 relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire. Voté à l’unanimité par les députés présents le mercredi 6 octobre, ce texte, porté par le gouvernement, prévoit de permettre « l’emploi de semences traitées avec des produits contenant des néonicotinoïdes ou des substances assimilées ne bénéficiant pas d’autorisations de mise sur le marché, en cas de circonstances particulières non maîtrisables, telles que celles qui affectent la culture de betterave sucrière en 2020 ». Ce qui fait écho au plan de soutien proposé par le gouvernement à la filière betterave-sucre-bioénergie. En effet, cette dernière a fait face à une chute des rendements de 30 à 50 %, suite à une période de sécheresse favorisant la prolifération des pucerons et l’apparition de la jaunisse.
Une décision décriée
L’adoption en première lecture du projet de loi a été saluée par les sucriers, à l’instar de la coopérative Cristal Union, qui souligne un « choix réaliste et pragmatique qui donne des moyens à la filière de se battre à égalité avec ses concurrents, sans remettre en cause l’indispensable transition écologique ». « Nous nous réjouissons de l’issue favorable donnée par nos députés à cette proposition de modification législative. Face à la situation très préoccupante à laquelle font face nos Coopérateurs, victimes d’une épidémie de pucerons ravageurs sans précédent dans un contexte climatique de sécheresse, il était urgent de trouver une solution équilibrée et rationnelle. Cette dérogation est une solution temporaire à une situation de crise. Il s’agit de préserver et garantir la pérennité de toute la filière betterave-sucre-bioénergie française, l’un des plus beaux fleurons agro-industriels nationaux », déclare Olivier de Bohan, son président.
L’adoption de ce texte est loin de faire l’unanimité. L’une des principales préoccupations étant l’impact des néonicotinoïdes sur la biodiversité, et en particulier sur les abeilles. « Ce vote est une réelle régression du Droit de l’Environnement. Il fait perdre à la France sa place de leader sur le sujet des néonicotinoïdes pour rejoindre les pays rétrogrades en la matière comme la Pologne ou la Hongrie. Notre association va suivre la suite des débats au Sénat et si cette loi est définitivement votée, probablement en novembre, nous agirons sur le plan juridique pour faire annuler cette décision inacceptable », s’insurge François Veillerette, directeur de l’ONG Générations Futures.
« Agir... tout en préservant la compétitivité »
Pour autant, du point de vue du président de Cristal Union, cette mesure transitoire ne remet pas en cause l’objectif de suppression des produits phytopharmaceutiques : « nous allons poursuivre le travail avec l’ensemble de la filière dans le temps qui nous est donné par cette dérogation. Nous saluons à ce titre toutes les initiatives législatives, scientifiques et réglementaires qui nous donnent le temps et les moyens d’agir en faveur de la transition écologique, tout en préservant notre compétitivité. Notre mobilisation est indispensable, il en va de l’avenir de notre filière française et de son outil industriel de premier plan », déclare-t-il. A l’occasion du colloque Agribalyse, organisé par l’Ademe et l’Inrae fin septembre, Cristal Union avait indiqué plancher sur différents scénarios de traitements phytosanitaires et de lutte intégrée.
Pour rappel, l’arrêté du 9 août 2018, entré en vigueur le 1er septembre 2018, abroge les mesures de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux impliquant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à base de substances de la famille des néonicotinoïdes. Un texte "en faveur de la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages".