Qualité

Vives pressions avant le vote sur le glyphosate

18 septembre 2017 - Pierre Christen - Marjolaine Cérou

 

Une étude de Générations Futures met en exergue la présence de glyphosate dans la moitié de la trentaine d'échantillons analysés par l'ONG environnementaliste. Crédit : Fotolia.

 

Connu pour être un des principaux composants du Round-Up de Monsanto, le glyphosate verra-t-il son autorisation renouvelée pour dix ans début octobre par les États Membres de l’Union européenne ? Rien n’est moins sûr ! Car la France a annoncé son intention de voter contre. Une position qui pèse lourd, au regard du leadership agricole français, mais aussi plus techniquement, parce que le vote se fera à la majorité qualifiée (55 % des États Membres et > 65 % de la population).

Depuis l’annonce de la position française par le ministre Nicolas Hulot à la fin de l’été, la guerre entre pro-glyphosate et anti-glyphosate fait rage, avec d’un côté les représentants d’un monde agricole en proie à des difficultés économiques, et qui veulent préserver les rendements et par là-même la compétitivité du secteur, et de l’autre, des associations environnementalistes, qui ont gagné la bataille de l’opinion publique.

Ainsi, les céréaliers ont vivement déploré « cette décision annoncée sans aucune concertation et sans aucun fondement scientifique ». « Elle est proprement inacceptable », affirment-ils. Même son de cloche du côté des producteurs d’oléagineux et de protéagineux, partagés entre exaspération et colère. En plein États Généraux de l’Alimentation, « le non-renouvellement serait une provocation. [La position française] relève d’une approche populiste et dogmatique qui met en péril des entreprises déjà fragilisées », soulignent-il, tout en rappelant qu’il n’existe aucune alternative au glyphosate.

Une étude anxiogène de Générations Futures

Du côté des associations environnementalistes, l’enquête menée par l’ONG Génération futures vient de marquer les esprits grâce à une étude, reprise dans tous les médias : 53,3 % des 30 échantillons d’aliments (céréales petit-déjeuner, légumineuses, pâtes et produits à base de céréales), qu’elle a fait analyser, contiendraient des résidus de l’herbicide. D’après l’ONG, « les concentrations vont de 40 µg/kg pour un échantillon de céréales du petit-déjeuner à 2 100 µg/kg pour un échantillon de lentilles sèches ».

 

L’étude a atteint son but : accroître l’appréhension sanitaire chez les consommateurs. Peu de commentateurs ont pris la peine de rappeler qu’en toxicologie, ce qui fait le danger, ce n’est pas la présence, mais la dose. En l’occurrence, le catastrophisme aurait pu être évité en soulignant que les doses relevées ne dépassent pas la limite maximale en résidus (LMR), fixée par le règlement européen 293/2013, et encore moins la DJA (dose journalière admissible) fixée à à 0,5 mg/kg de poids corporel. Les lentilles incriminées par l’ONG contiennent 2,1 mg/kg. Pour une femme de 60 kg, la DJA ne serait dépassée qu’à condition qu’elle en consomme une quinzaine de kg par jour…

Les avis de l'Efsa et du CIRC s'opposent

Il n’en reste pas moins qu’une véritable cacophonie s’est installée entre les instances chargées d’évaluer les risques sanitaires.

En mars 2015, quelques mois avant de faire de même pour la viande rouge, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC-IARC) a classé dans une monographie le glyphosate comme « probablement cancérogène » pour l’Homme.

A contrario, l’Agence européenne (Efsa) affirmait dans un avis la même année « improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme ». Les experts européens avaient pris un large panel d’études, dont celles mises en exergue par le CIRC et jugeant les résultats incohérents et pointant du doigt le rôle des co-formulants.

Preuve du niveau de lobbying actif, cet avis de l’Efsa vient de subir une tentative pour le discréditer. La radio RMC associée à La Stampa et The Guardian affirment qu'une section clef de l’avis relève d’un copier/coller issu d’un document de Monsanto. Ce à quoi l’Efsa a répondu en déplorant une « incompréhension du contexte et du contenu des documents publiés.»

En France, l’Anses a adopté une position prudente dans son avis de 2015 concluant que le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et chez l’Homme peut être considéré comme relativement limité. Les experts français ont estimé que la classification du CIRC « peut se discuter sans que l’Agence puisse se prononcer sur ce point en l’absence d’une analyse détaillée de l’ensemble des études ». Elle a appelé à un nouvel avis, cette fois, de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

Ce dernier a été dévoilé en juin 2017 et ne mentionne aucun risque carcinogène.

En parallèle, une nouvelle évaluation de l’Efsa, commanditée par la Commission européenne et publiée début septembre, réfute quant à elle un effet éventuel du pesticide sur le système endocrinien (vis à vis du mode d’action des oestrogènes, androgènes, thyroïde et stéroidogénèse)

Ces différents avis ont conduit la Commission européenne à proposer que l’autorisation du glyphosate soit renouvelée. Ce qui paraît de plus en plus compromis.

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