Annie Saulnier, nouvelle présidente de l'ABEA : "L'enjeu est de recréer de la confiance"
Lors de leur assemblée générale jeudi dernier, les adhérents de l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires ont élu à leur tête Annie Saulnier, dg de Geldelis, branche agroalimentaire du groupe familial J.dis. Elle succède à Olivier Clanchin, p-dg de Triballat-Noyal, qui aura présidé l’ABEA pendant sept ans. Interview.
Vous êtes la nouvelle présidente de l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires. Pourriez-vous présenter votre entreprise ainsi que votre engagement au sein de l’ABEA ?
Je dirige Geldelis, à Torcé près de Rennes. Cette société compte un peu plus de 50 salariés. Elle produit des tartes salées, en surgelés et en frais, à partir d'une technologie de pâte brisée, pour tous les réseaux, notamment la restauration hors-domicile. L'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 8,4 M€ en 2016. Notre prévisionnel 2017 est de 10,5 M€, dont 11 % à l’export. Geldelis, racheté en novembre 1994, est une filiale du groupe J.dis, dirigé par mon père Joseph Jouault, qui a aussi des activités en nutrition animale, négoce agricole et jardinerie (Lysadis). Depuis deux ans et demi, je préside la commission Développement économique de l'ABEA. Ma première démarche a été de voir de l'intérieur - grâce aux adhérents - l'intérêt de se regrouper et de travailler ensemble sur des sujets économiques. Je veux faire du développement économique un axe fort de mon mandat, qui est prévu sur deux ans. Les trois axes seront la performance industrielle, la maîtrise des risques et la conduite stratégique, à partir notamment d'échanges de bonnes pratiques pour aider les entreprises à conduire le changement.
Sur le plan économique justement, peut-on dire que la crise Gad de 2013 est derrière nous ?
Au-delà des difficultés réelles de cette entreprise, nous avons été enfermés dans un catastrophisme ambiant, une crise de l’image, qui ne correspondait pas à la réalité de nos entreprises bretonnes. Nous faisons face à des problèmes structurels, comme la fin des quotas laitiers. Cela nous amène vers des modèles différents. Mais nos entreprises agroalimentaires ont tous les atouts pour s’en sortir. Nous avons des dirigeants responsables et un personnel engagé, investi et présent. Nos entreprises sont économiquement viables. Elles sont peut-être sur des marchés de masse, mais elles sont viables en termes de sécurité alimentaire, d’innovation et de valorisation, qui sont les atouts de la réussite. L’enjeu aujourd’hui est de recréer de la confiance et du respect envers ces modèles pertinents. Notre problème d’attractivité vient de la méfiance, de cette idée folle que « manger industriel tue », que l’on n'a plus besoin des entreprises agroalimentaires.
Comment restaurer cette image ?
En donnant la parole aux chefs d’entreprise. Nous l’avons trop laissé à d’autres ! Nos chefs d’entreprises sont responsables. Il y a dans nos entreprises un véritable ascenseur social. Des personnes avec peu de qualification peuvent entrer et gravir les échelons un à un. Je pense que nous devons mieux organiser notre communication, la rendre positive, en allant sur les sujets qui parlent de l’avenir : transition numérique, besoin de compétences, transition environnementale, usine du futur, export. Il faut rééquilibrer l’écosystème. On parle beaucoup de la grande distribution et des producteurs agricoles, mais on minore la place des transformateurs alors que nous valorisons les matières premières dans le monde entier et faisons vivre les territoires. Il y a dans notre secteur des trésors qui ne sont pas mis en valeur.
Comment enclencher une nouvelle dynamique ?
Cela veut dire créer des espaces de dialogue pour que les entreprises s’ouvrent aux réalités nouvelles, sans s’enfermer dans un modèle économique unique. Les opportunités sont à notre portée : développer, innover, rassurer, exporter. Cela demande de créer une image dynamique pour susciter de l’attractivité. Cela passe aussi par redonner confiance dans les produits agroalimentaires et industriels, sensibiliser sur la nécessité de manger français et breton. Nous voulons donc restaurer notre image et valoriser ce que l’on sait bien faire, comme les savoir-faire et la sécurité alimentaire que viennent chercher les Chinois, alors même que la France les dénigre.
Retrouvez l’interview d’Annie Saulnier « Nous voulons un droit à l’expérimentation régionale » dans notre numéro de juin 2017.