Covid-19 : Le P’tit Fermier de Kervihan lance un cri d’alarme pour toutes les TPE

26 mars 2020 - Karine Ermenier

Face à la crise sanitaire, la grande distribution a recentré son offre sur les références essentielles. Une stratégie compréhensible, mais qui met à mal les PME éjectées des rayons. Illustration avec Le P’tit Fermier de Kervihan, une TPE bretonne, qui recherche activement de nouveaux débouchés.

Concentrée sur les flux de produits de première nécessité, la grande distribution délaisse certaines TPE locales. Située près d’Auray, premier cluster du Covid-19 en Bretagne, le P’tit Fermier de Kervihan en fait les frais, alors même qu’elle ne livre déjà plus les collectivités depuis le 2 mars. Pour survivre, la ferme de 12 salariés s’efforce de développer la vente en direct et le drive.  

Une chute de 70 % des commandes

 « Nous devons être nombreux dans cette situation mais je suis peut-être la seule à oser le dire ! ». Lydie Joyeux est installée sur la ferme bio Le P’tit Fermier de Kervihan à Local-Mendon (56) depuis 2011 avec son mari Vincent, ancien skippeur professionnel. Elle a lancé un cri d’alerte sur sa page Facebook : « Face au comportement assez irrationnel des consommateurs qui stockent des produits non périssables, la grande distribution est débordée. Elle doit jongler entre ses commandes et la gestion de son personnel. Par facilité, elle s’est concentrée depuis plusieurs semaines sur le 20/80. On peut le comprendre. Mais ça se fait au détriment de petits fournisseurs locaux comme nous. » Résultat : ses fromages sont sortis des gammes des enseignes, ses yaourts sont moins commandés. «Nous avons perdu 60 % à 70 % de nos volumes », alerte la jeune femme qui transforme l’intégralité du lait de sa ferme. « Nous avions volontairement fait le choix de diversifier nos débouchés. Mais, comme nous sommes situés à 500 m de la limite d’Auray, un des premiers clusters de coronavirus en France, les collectivités ont stoppé leurs commandes dès le 2 mars. Les écoles ont fermé. Ça représentait 30 % à 40 % de nos volumes. » Un arrêté préfectoral a aussi interdit les marchés sur le Pays d’Auray alors même que le P’tit Fermier de Kervihan couvre les marchés 7 jours sur 7 avec son camion.

 

Elodie et Vincent Joyeux sont installés sur la ferme du Fermier du P'tit Kervihan à Locoal-Mendon (56) depuis 2011. Ils y transforment tout leur lait en fromages, fromages frais et yaourts.

Elodie et Vincent Joyeux sont installés sur la ferme du Fermier du P'tit Kervihan à Locoal-Mendon (56) depuis 2011. Ils y transforment tout leur lait bio en fromages, fromages frais et yaourts.

Prise de conscience des enseignes

La TPE, qui produit 40 tonnes de fromages (pâtes pressées, aux algues, pâtes molles type reblochon, etc.), 35 tonnes de fromages frais et 2 millions de pots de yaourts à l’année, comptait se rattraper avec les centrales régionales de la grande distribution (Intermarché, Leclerc, Carrefour). Mais peine perdue. Faute de personnel, Système U, par exemple, a fermé son rayon fromages à la coupe. « Mais l’enseigne est depuis revenue vers nous car elle a pris la mesure de cette décision. On a le sentiment d’avoir été entendus », se réjouit Lydie Joyeux. S’il on en croit l’intervention d’Alexandre Bompard, directeur général du groupe Carrefour dimanche soir sur France 2, le couple Joyeux a toutes les raisons d’espérer. « C’est une crise économique majeure, a-t-il affirmé. Les plus petits souffrent. Nous essayons d’accompagner les PME, nous avons réduit les délais de paiement. J’ai aussi lancé un appel aux organisations professionnelles pour toutes les entreprises qui travaillent avec les restaurants et qui n’ont donc plus de débouchés. J’ai demandé de les repérer et de les sourcer pour pouvoir commander leurs produits. C’est une chaine de solidarité qui se met en place. »

"Surtout ne pas devoir mettre le lait à l'égout"

En attendant que les commandes repartent, Lydie et son mari en appellent à la solidarité des consommateurs locaux pour venir acheter leurs produits en direct à la boutique de la ferme. « Ils répondent présents, nous avons multiplié nos ventes par quatre au magasin où nous assurons toutes les mesures de protection. Nous venons aussi de développer, en deux jours, un service de drive. Les gens pourront commander sur notre site et venir récupérer leurs produits en payant juste en sans contact. Il faut que l’élan continue et dure», ajoutent-ils.

La ferme stocke pour l’instant son lait en fromage. « On a même dû s’équiper en nouveau matériel pour les caves d’affinage, pour faire face. C’est aberrant. Mais ça aura vite ses limites. Surtout que nous arrivons dans le pic de lactation de nos vaches qui retournent à l’herbe. Tout ce qu’on veut éviter c’est de mettre le lait à l’égout ! ».

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