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Crise du lait : « Des solutions pour revaloriser le prix »
C'est dans un contexte controversé et sous haute tension que la filière laitière française a fait sa rentrée. Plus d'un mois après la table-ronde réunissant ses principaux acteurs avec le Ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll, la Fédération Nationale des Coopératives laitières (FNCL) a présenté ce mercredi 2 septembre des propositions de réformes à court et moyen termes pour assurer son maintien. « Notre filière se situe à un tournant critique. Le court terme nous impose de trouver des solutions pour amorcer la nécessaire revalorisation du prix du lait et maintenir l'activité », a déclaré Dominique Chargé, son président.
Atteindre un seuil d'intervention de 280 euros la tonne
La Fédération propose d'élargir les mesures prises le 24 juillet, qui concernent aujourd'hui seulement 16 % des produits collectés et transformés en France. Elle milite pour élargir les mesures à l'ensemble des produits laitiers (marques incluses), aux fromages et produits frais, ainsi qu'aux produits B to B. Pour rappel, l'accord trouvé ciblait jusqu'à présent le lait, la crème, le beurre et l'emmental, et cela uniquement pour les produits MDD et Premiers prix. Inclure la restauration collective et les hard-discounters fait également partie de la revendication. La FNCL demande également un appui au développement à l'export, notamment pour les procédures d'agrément de sites industriels par la Chine.
Une autre demande exprimée, à l'échelle européenne cette fois-ci, est de rehausser les seuils d'intervention (aujourd'hui de l'ordre de 210 euros la tonne). « Nous proposons un seuil de 280 euros pour stabiliser le marché européen et permettre aux opérateurs de vendre la matière sans pour autant aller vers une baisse des prix », indique Dominique Chargé. Un point qui sera débattu lors de la réunion du 7 septembre prochain lors du conseil européen des Ministres de l'Agriculture. Des mesures d'urgence aux producteurs ont également été demandées, s'appuyant sur l'idée de mettre à disposition l'argent européen des « super prélèvements » pour l'appui à la filière laitière.
Construire une filière d'avenir
« Nous sommes dans un contexte libéralisé depuis la sortie des quotas. Nous sommes face à la volatilité et il nous faut des outils pour faire face à ces crises », souligne Dominique Chargé. Construire une filière d'avenir est l'objectif à long terme, tout comme faire de la France un acteur majeur de cette dynamique. « Les coopératives laitières exportent jusqu'à 35-40 % de produits transformés, en partie sur le marché communautaire. Il est utile de revaloriser le prix du lait, de privilégier le lait d'origine française, mais il est nécessaire de retrouver un contexte de coopération à l'échelle européenne pour construire une filière d'avenir », commente-t-il.
Ainsi, pour la filière laitière française, la FNCL incite à se réapproprier une culture économique et demande la publication d'indicateurs publics par France Agrimer. Concernant les coopératives laitières, elle demande de poursuivre le travail de consolidation avec la diversification des marchés, de généraliser la formation à la gestion de la volatilité pour les administrateurs et les opérationnels. Elle annonce également la finalisation du Label Relations responsables, en collaboration avec Coop de France.
Enfin, la FNCL demande le soutien des pouvoirs publics français pour faire respecter l'application de la LME et de la Loi de Consommation pour des relations industries-commerces équilibrées.
La fin des quotas le 1er avril 2015 a initié un fort déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché, ce qui a conduit à une baisse des valorisations sur les marchés. « La demande mondiale est d'environ de 2,5 %, l'augmentation de la production se situe autour de 2-3 %. Cet écart de 1 % correspond à 7 milliards de litres de lait qui n'ont pas de débouchés et cela suffit à déstabiliser les marchés »,explique Dominique Chargé.
Un constat renforcé par la diminution de la demande internationale, marquée par une baisse des achats chinois (la demande pour la poudre 26 % a été divisée par deux ), et renforcée par l'embargo russe, qui équivaut à 250 000 tonnes de lait laissées sur le marché intracommunautaire. Par ailleurs, le prix de la poudre 0 % a été divisé par deux en moins d'un an (il est passé de 3000 à 1600 euros par tonne).
En termes de compétitivité, le prix du lait est en baisse partout dans le monde. La Nouvelle-Zélande a annoncé un prix de 170 euros par 1000 l pour l'hiver et le printemps prochain, soit divisé par deux par rapport à 2014. Alors que la France affiche un prix du lait de 305 euros (moyenne au 1er semestre 2015), son plus gros concurrent l'Allemagne le vend à 290 euros par 1000 l. Pourtant Dominique Chargé se veut rassurant. « La France a comblé son décalage avec l'Allemagne. Si on fait un lissage sur les douze derniers mois, le prix du lait est de 334 euros en France et de 314 euros en Allemagne », assure-t-il.
Face à cette surproduction, les coopératives cherchent de nouvelles pistes de valorisation. 980 millions d'euros ont été investis entre 2012 et 2014. Et un autre milliard devrait être investi sur la période 2014-2017. Outre le boom des tours de séchage (lire notre Dossier Produits laitiers dans notre numéro de septembre), les produits ingrédients constituent une autre piste de valorisation. Les rapprochements consolident le secteur. A l'instar des coopératives Agrial et Eurial qui ont annoncé leur fusion en juillet. Le contexte pourrait amener à la création de nouveaux partenariats.