Filière porc : les raisons d’une crise
Dans le cas de Gad, une catastrophe sociale qui émeut toute la Bretagne, force est de reconnaître que le transformateur est le maillon le plus fragile de la filière, dans un contexte de diminution de la production des élevages de porcs et de situation dominante de la grande distribution. Si ce n’est pas une fatalité, quelles sont les raisons de cette crise ?
Outre le rapport de force avec la grande distribution qui n’a d’égal que le rôle de marché directeur joué par l’Allemagne, le deuxième facteur en toile de fond de la suppression de l’abattoir de Lampaul – Guimiliau (29) est l’absence de dynamique collective au sein de la filière porcine en France. Celle-ci se réduit aujourd’hui à une juxtaposition de maillons, qui se sont donnés pour règle : « chacun pour soi ». Une situation illustrée dernièrement par les choix de la Cooperl sur le dossier « mâle entier ». On constate aussi, sur ce plan de la dynamique, que la coopérative Cecab n’a jamais bien géré le développement de sa branche porcine, lors de l’essor de la production dans les années 90. Cette activité représente pourtant aujourd’hui près du tiers (31%) de son chiffre d’affaires.
Contrairement à ce qu’affirmait en 2008 le Haut Conseil de la Coopération Agricole, l’alliance Prestor- Gad- Cecab, la Cecab détenant déjà l’abattoir de Josselin (repris à Unicopa) était tout sauf « la meilleure opération à saluer » dans le contexte européen. Pourquoi ? Ce «chacun pour soi » a fait que l’alliance entre le groupement des éleveurs finistériens, jaloux de son indépendance, et la coopérative qui visait une intégration plus profonde, à travers les ventes de prémix et d’aliments, n’a pas marché.
A ces raisons d’ordre interne, s’ajoute l’évolution structurelle du marché porcin. Depuis trois ans, au moins, la production porcine en France baisse régulièrement au rythme de – 1,5 à – 2% par an, particulièrement dans le bassin breton. Or 3 %, cela représente 750 000 porcs en moins, soit l’activité d’un abattoir de 800 salariés. Rien n’a permis de redresser la barre. Montrant, paradoxalement, qu’une coopérative, une structure dont on vante parfois le modèle, ne parvient pas à maîtriser son approvisionnement. Un résultat contre nature ! La faute a été attribuée l’an dernier à la mise en place des nouvelles normes bien –être pour les truies gestantes, obligatoires à partir du 1er janvier 2013. Aveltis, le 2ème groupement porcin français, alertait sur le possible arrêt d’activité de 15% de ses éleveurs. Motivés par l’âge, et par des investissements entraînant un endettement trop lourd.
La sanction qui tombe aujourd’hui, est à mettre au compte d’une industrie de la viande, qui n’a pas su protéger le bassin de production. Au niveau des prix, la concurrence n’est plus française ! Les marchés sont dictés en Allemagne, par des entreprises comme Tonnies, qui avec plus de 15 millions de porcs abattus, pèse beaucoup plus lourd que les abatteurs français. L’Allemagne a maintenant la production la plus importante d’Europe, nourrie des porcelets venant du Danemark (où Danish Crown connaît aussi des difficultés) et des Pays-Bas.
Avec la fermeture de Gad Lampaul, on assiste à un changement total de décor. Finalement l’image (mauvaise) de la production porcine en Bretagne a pesé dans l’évolution structurelle du marché. Le ministre chargé de l’agroalimentaire l’avait à juste titre souligné, il y a un an* : « il faut trouver une sortie positive sur l’environnement. Sortir du conflit entre les producteurs de porcs et le reste de la société. Les Allemands l’ont fait. Les énergies renouvelables et la méthanisation peuvent être une vraie porte de sortie … ». Ce sont encore des investissements. Les discours commencent maintenant à changer. Après s’être plaint du « trop de cochons » en Bretagne, on va déplorer le contraire, politiques en tête. Ce qui témoigne d’une absence de vision à long terme.
* Ouest-France, édition du 29/09/2012