« J’attends du Président de la République un soutien fort et permanent »
Comme dans d’autres régions, le secteur agroalimentaire normand recrute, mais manque de candidats. Quel est le problème ?
La première difficulté dans nos métiers, c’est le déficit d’image de l’industrie agroalimentaire. Il faut moderniser l’image de nos métiers et en faire la promotion, afin que les médias parlent de nous en positif. Le nombre d’articles et d’émissions à charge est incroyable. Aujourd’hui ce sont des associations type L214 qui prennent le relais. On en prend plein la tronche. Cela induit une baisse de la consommation vertigineuse. Comme dans tous les secteurs, il y a des tricheurs, des escrocs, mais c’est l’exception. A nous de ne plus faire de bêtises et d’être exemplaires. Mais il faut aussi que les responsables politiques prennent le problème à bras le corps.
Quel est l’enjeu ?
On a une très belle industrie agroalimentaire en France ! Le monde nous fait confiance, les Chinois veulent notre lait… Et nous qui avons la chance de consommer les produits les plus sains au monde, on passe notre temps à les critiquer ! On fait tout ce qu’on peut face à cette défiance. Nos entreprises ont amélioré la transparence et le niveau de sécurité. Par exemple, les industriels normands ont décidé de valoriser leurs métiers via des ambassadeurs. C’est notre nouvelle arme, l’engagement de gens passionnés capables de donner envie. Une quarantaine d’entre eux ont organisé au moins une formation par an. Mais s’auto-promouvoir ne suffit pas ! C’est aux responsables politiques de redonner de la fierté, de mettre en avant la qualité des produits alimentaires et de notre industrie. Il faut arrêter ce dénigrement permanent, sinon on court au suicide.
C’est le rôle du chef de l’État en premier lieu ?
Tout à fait ! J’attends du Président de la République un soutien fort et permanent. C’est très important. Il y a quelques années Jacques Chirac adorait manger et boire et il le faisait savoir ! On connaissait même la marque de sa bière préférée et son goût pour la tête de veau ! C’est le seul qui passait sa journée au Salon de l’Agriculture et qui aimait cela. Pour lui, ce n’était pas une contrainte. C’est très important pour promouvoir l’image de la bonne bouffe à la française.
L’étiquetage nutritionnel simplifié va-t-il dans le bon sens ?
Oh non ! On en rajoute une couche, avec des codes couleurs facultatifs. Les gros industriels y vont, et pas les PME ne serait-ce parce qu’elles n’ont pas les moyens de se le payer. C’est comme les slogans sanitaires « manger, bouger » insérés dans les publicités pour certains produits alimentaires. Cela ne sert à rien, sauf à dénigrer l’alimentation. Cela associe les produits alimentaires aux toxines, aux impuretés. Il faudrait rappeler un principe essentiel. Quand on mange, on ne s’empoisonne pas, on prend du plaisir !
Au-delà de l’image du secteur, les difficultés de recrutement ne viennent-elles pas des salaires ?
Non, ce n’est pas un frein. Car aujourd’hui compte-tenu des difficultés de recrutement, notre secteur rémunère ses salariés de façon correcte. Mais on ne peut donner qu’en fonction de la marge que l’on dégage. Si on compare à l’artisanat ou à d’autres secteurs industriels, on n’est pas mal. D’autant qu’il ne faut pas réfléchir en terme de salaires, mais en termes de rémunération, en incluant les primes, le 13ème mois, la participation, etc. De ce point de vue, notre secteur est plutôt performant.
Retrouvez l'interview de Bertrand Declomesnil "Il faut moderniser l'image de nos métiers" dans notre numéro de juillet 2017 (sortie le 05 juillet 2017).