L’éclairage de l’Observatoire sur les prix et les marges des produits alimentaires
Indicateur « sans équivalent » en Europe, le rapport de l’Observatoire de la formation des Prix et des Marges des produits alimentaires a été rendu public le 4 décembre. « Il n’a jamais été autant justifié, a précisé l’économiste Philippe Chalmin, président de l’Observatoire, « en tant que vecteur de la transparence ». Avec un constat qui s’impose : le resserrement de l’étau entre les difficultés d’une grande partie des consommateurs et la volatilité des prix des matières premières agricoles. Qui amène l’Observatoire à analyser la capacité d’amortissement des hausses de prix, dont « le consommateur est le grand gagnant ». C’est la conclusion de cette étude. Maintenant, à quel prix pour certaines filières ?
Les discours sont discordants et les idées reçues nombreuses ! Saura t-on, un jour, la vérité sur la formation des prix des produits alimentaires. Qui prend trop de marge ? Les industriels ? Les enseignes ? De ce point de vue, l’analyse annuelle des prix et des marges dans l’agroalimentaire effectuée par l’Observatoire du même nom, présidé par l’économiste Philippe Chalmin, professeur à l’Université Paris-Dauphine, est un grand pas en avant. Grâce à l’éclairage qu’il apporte. Son rapport 2013 qui vient d’être remis aux parlementaires, met des chiffres, là, où trop souvent, on se contente de commentaires, dans le genre intox !
Lors de la présentation au Ministère de l’Agriculture le 4 décembre, Philippe Chalmin a souligné, en préambule, l’amélioration des études réalisées, en collaboration avec FranceAgriMer. « Un effort tout particulier a été réalisé en 2013 pour affiner les calculs de marges nettes des rayons de la grande distribution, qui avaient été présentées pour la première fois en 2012. Et il en a été de même pour les marges industrielles. Au moment où industriels et distributeurs s’attèlent aux référencements et aux négociations commerciales, la grande question tourne autour de la capacité plus ou moins grande, de la chaîne au stade de l’industrie et de la distribution, à amortir les fortes fluctuations des prix agricoles. Qui sont devenus fortement dépendant des marchés mondiaux.
La part très faible de la matière première agricole dans le prix de détail
Sur les deux principaux constats du rapport 2013 de l’Observatoire, le premier est que « le produit agricole (matière première ) ne représente qu’une part relativement faible du prix de détail à la consommation » , même pour des produits basiques, peu ou pas transformés. Si on prend comme exemple le prix moyen du jambon cuit en GMS ( moyennes annuelles 2012), on constate (sur un prix de vente détail GMS de 10,83 € / Kg), que la matière première jambon, entrée abattoir, représente 3,55 € (1/3 du prix), la marge brute de la charcuterie-salaison 1,79 € (16,5%), nettement devant la rémunération de la première transformation (abattage- découpe ) 0,65 €, mais très loin derrière les 4,28 € de marge brute de l’enseigne de distribution (40% du prix de détail).
On peut vérifier que ces positions dans la chaîne de valeur ajoutée sont structurelles. Elles n’ont pas été profondément modifiées par l’évolution des coûts à la production. Le prix de vente au détail du jambon reste quasiment le même depuis quatre ans. Au bénéfice du consommateur. La grande distribution a compensé, à hauteur de 0,20 € / kg, l’augmentation du coût matière première. Mais la structure de prix évolue très peu, au désespoir des éleveurs. L’observatoire confirme que, début 2013, la hausse du prix du porc à la production ne compense plus l’augmentation des coûts de production de l’élevage.
« Aux limites du supportable »
Ce qui reflète le deuxième grand constat du rapport 2013 de l’Observatoire des Prix et des Marges. A savoir que « la vive concurrence entre les enseignes de distribution, semble bien être le fluide du « circuit de refroidissement » des hausses de prix agroalimentaires, et de leur transmission vers le consommateur. Force est de constater, ajoute Philippe Chalmin, que dans bien des filières, notamment animales, nous sommes arrivés aux limites du supportable ». On est arrivé à la situation où les entreprises d’abattage –découpe de porcs ont des résultats courant négatifs (-0,02 en 2012). Le résultat courant des entreprises de charcuterie –salaison atteint lui aussi un seuil critique baissant de 2,97 % à 1,16 % en quatre ans. Des chiffres sans comparaison avec les bons résultats en charcuterie des GMS. La marge nette avant impôts des rayons charcuterie dépasse 9 €, sur 100 € de CA, en augmentation par rapport à 2011. Ces chiffres viennent confirmer les résultats de l’Observatoire financier de la banque Crédit Agricole qui alerte sur « la détérioration significative et continue des bénéfices avant impôts, dans les secteurs des viandes et des fruits et légumes.
Ce Rapport de l’Observatoire pose, finalement, la question du prix des services, dans lesquelles rentre une part croissante d’immatériel. Le consommateur ne sait sans doute pas assez que « le tout - partout - à tout moment » coûte très cher ! Puisque le blé ne pèse que 4 à 9% du prix de la baguette, le lait 15 % du prix du yaourt, et les fruits et légumes, produit peu transformé, 50 % du prix de détail. Un écart qui donne à réfléchir sur l’optimisation des circuits de distribution des produits alimentaires, à travers le choix des formats, le nombre de magasins par commune, la gestion commerciale des marques, la défense du local.