Le camembert de Normandie reste au lait cru
La victoire est totale pour les fabricants artisanaux de camembert. L’Institut national de l’origine et de la qualité a diffusé mercredi dernier la révision du cahier des charges de l’appellation d’origine protégée (AOP) « Camembert de Normandie ». Déjà proposé mi-mars dans un avis non officiel de la commission de l’INAO en charge de dossier, ce cahier des charges confirme l’utilisation exclusive de lait cru. Il devrait être suivi par Michel Barnier, Ministre de l’Agriculture, en charge de son homologation. Ce critère avait été contesté par les deux industriels Lactalis et Isigny Saint Mère qui souhaitaient pouvoir thermiser ou micro-filtrer le lait par mesure de prévention sanitaire.
Décision sans surprise
Dans un communiqué diffusé le jour même, Lactalis prend acte d’« une décision sans surprise ». L’industriel, premier producteur français de fromages d’appellation d’origine, estime « regrettable que les questions de principe et la défense des positions traditionnelles du ministère l'aient emporté sur la rationalité de faits scientifiques malheureusement incontestables. ». Lactalis avait d’ailleurs signalé en mars dernier au Ministère de l’Agriculture un lot de camembert de la Fromagerie Réaux dans lequel il affirmait avoir décelé des bactéries pathogènes. Pour rappel, à l'automne 2005, la contamination par E.coli O26 de camemberts au lait cru AOC de Réaux avait provoqué l'hospitalisation de six enfants âgés de 10 mois à deux ans.
Risque sanitaire
La question serait donc de savoir si la sécurité sanitaire des fromages fabriqués à partir de lait cru peut être totalement assurée sur le plan microbiologique. En ligne de mire : Listeria monocytogenes et Escherichia coli O26. Dans cette affaire, de nombreux scientifiques et microbiologistes ont en tout cas confirmé la nécessité d’utiliser le lait aussitôt après la traite pour favoriser les phénomènes de compétition des flores protectrices dans les fromages au lait cru. Pour les petits producteurs de l’AOP « Camembert de Normandie », l’argument sanitaire utilisé par Lactalis et Isigny-Sainte-Mère cacherait en réalité de réels problèmes techniques et économiques à l’utilisation de lait cru dans les production industrielles d’envergure comme Président, Lanquetot ou le Petit.
Aire de collecte réduite de moitié
A l’issue de la réunion du 4 juin 2008, le comité national des appellations laitières, agroalimentaires et forestières de l’INAO a aussi réaffirmé l’ancrage au terroir. Il a approuvé les évolutions suivantes :
- l’aire géographique de l’appellation centrée autour des bassins herbagers et bocagers est réduite d’environ 50 % par rapport à l’aire initiale (1 678 communes au lieu de 3 234).
- la mise en œuvre de pratiques issues du terroir normand telles que la pratique obligatoire du pâturage pendant six mois et la mise à disposition de foin tout le reste de l’année, l’augmentation de la part de la race normande dans la production de lait.
Les autres règles spécifiques à la fabrication du camembert de Normandie restent inchangées : emprésurage en bassine, moulage fractionné en cinq fois d’un caillé non brisé, durée minimum d’affinage en hâloir et emballage en boîte en bois.
À lire
Dossier « Fromages : le lait cru est-il cuit ? »
Septembre 2007, Magazine Process alimentaire