Depuis la présentation début septembre 2020 de la stratégie nationale pour de développement de l’hydrogène vert, les initiatives foisonnent en France et en Europe. Le point sur les initiatives récentes. (crédit : malp - Adobe Stock)

Le marché de l’hydrogène vert amorce sa structuration

4 novembre 2020 - Stéphanie PERRAUT

Depuis la présentation début septembre 2020 de la stratégie nationale pour de développement de l’hydrogène vert, les initiatives foisonnent en France et en Europe. Le point sur les initiatives récentes.

Le mardi 8 septembre 2020, les ministres Barbara Pompili (Transition écologique) et Bruno Le Maire (Économie, finances et relance) ont présenté la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène « vert », c’est-à-dire l’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau avec de l’électricité décarbonée ou renouvelable. Le gouvernement a retenu trois priorités d’intervention, avec un budget de 3,4 milliards d’euros sur la période 2020-2023 :

  • décarboner l’industrie en faisant émerger une filière française de l’électrolyse,
  • développer une mobilité lourde à l’hydrogène décarboné,
  • soutenir la recherche, l’innovation et le développement de compétences.

Deux jours plus tard, les mesures du volet transition écologique du plan « France Relance » signifiaient l’accompagnement de l’Etat en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dont acte. Depuis le mois de septembre, les annonces se multiplient, principalement dans le domaine de la logistique lourde et des initiatives plus anciennes sont remises au goût du jour.

Bientôt des camions « verts » sur les route

Les constructeurs de véhicules lourds prennent le sujet de la transition écologique à bras le corps. Daimler a récemment présenté prototype de camion à hydrogène alimenté en hydrogène liquide capable de parcourir 1000 kilomètres avec un plein.

La société Man considère elle aussi l’hydrogène comme une voie complémentaire pour le transport longue distance. Elle va construire ses premiers prototypes dès 2021 en se concentrant sur deux technologies : la classique pile à combustible et le moteur thermique alimenté à l'hydrogène. Des essais pratiques en coopération avec des clients sélectionnés sont prévus à compter de 2023 – 2024.

Les infrastructures se construisent progressivement

En attendant, de nouvelles installations de production et de distribution d’hydrogène vert voient peu à peu le jour, pour alimenter aussi un parc de véhicule léger balbutiant. Dans le cadre du projet régional « Zero Emission Valley », Chambéry (73) a inauguré en février 2020 sa première station hydrogène. Porté par la région Auvergne-Rhône-Alpes et soutenu par l’Union Européenne, ce projet entend déployer vingt stations d’ici 2023 pour couvrir les besoins d’une flotte de 1 000 véhicules.
Mi-septembre, la ville du Mans a mis en service son premier bus à hydrogène. Dix autres modèles articulés ainsi que six bennes à ordures circulant avec le même carburant ont été commandés.

Fin septembre, la start-up nantaise Lhyfe a annoncé qu’elle prévoyait d’ouvrir une douzaine d’unités de production d’hydrogène vert en France et en Europe d’ici à 2023, puis une trentaine les années suivantes. Les travaux de construction du premier site ont débuté à Bouin (85) près d’un parc éolien. Six millions d’euros ont été injectés pour produire, à partir de mai 2021, 300 kg d’hydrogène par jour à partir d’eau de mer. L’hydrogène produit sera distribué à des stations-service équipées (très peu nombreuses aujourd’hui). Le « plein » se fait en quelques minutes pour un tarif avoisinant les 70 euros et une autonomie équivalente à un véhicule diesel.

En Centre-Val de Loire, une première station à hydrogène a vu de jour à Sorigny (37) et deux centres de distribution et production à Châteauroux (36).

Le 28 octobre, Loïg Chesnais-Girard, le président du conseil régional de Bretagne, a lancé la feuille de route à horizon 2030, à Belz (56), au Chantier Bretagne Sud, qui finalise la construction de catamarans en aluminium à motorisation hydrogène. La Bretagne compte développer la filière hydrogène autour de ses « spécificités régionales », comme l’industrie maritime, les énergies marines renouvelables, les applications de stockage ou encore la logistique agroalimentaire. Dans le numéro d'octobre 2020 de Process Alimentaire, Karine Ermenier présente d'ailleurs les débuts prometteurs des chariots industriels à hydrogène. Dans tous ces domaines, des projets sont déjà lancés ou en réflexion.

« Du côté d’EDF, nous privilégions des usages dans l’industrie lourde et dans les transports lourds ou collectifs », affirme Rouzbeh Rezakhanlou, directeur du marché d’affaires, EDF Commerce Ouest, partenaire du prix Energ’IAA. Quid d’un usage en tant que solution de stockage de l’énergie issue du solaire ou de l’éolien ? « C’est possible. Mais de l'expérimentation est encore nécessaire : le rendement énergétique global n’est pour l'heure pas très compétitif », répond-il. EDF a lancé l’an dernier Hynamics, une filiale chargée de proposer une offre pour l’industrie et la mobilité. L’idée : proposer de produire de l’hydrogène bas carbone directement sur les sites industriels notamment en agroalimentaire.

Des trains à hydrogène en test en Europe

Après la route, le rail. Le groupe allemand de transports régionaux RMV a lancé lundi 26 octobre la construction d'une station-service près de Francfort qui alimentera en hydrogène d'origine chimique des trains construits par Alstom en fonctionnement depuis déjà deux ans. Le groupe français va livrer au total 27 trains à pile à hydrogène au parc industriel d’Infraserv Hoechst situé dans la région du Rhin-Main d'ici à la mi-2022. Ces trains, qui remplacent des motrices diesel, doivent entrer en service à partir de l'hiver 2020. L'Allemagne entend profiter du développement du l’hydrogène « vert » pour asseoir sa stratégie.

En Italie, la FS Italiane, équivalent de la SNCF, vient quant à elle de conclure un accord avec le groupe gazier Snam pour développer les trains fonctionnant à l’hydrogène.

En France, quatre conseils régionaux se sont positionnés pour accompagner le développement de trains régionaux à l’hydrogène, en neuf et en retrofit : Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté. Pour cette dernière, la technologie sera testée sur la ligne Auxerre – Laroche-Migennes. Les collectivités sont associées à l’État et à Alstom pour développer la technologie et acheter 14 trains.

La recherche technique impose le pas

Présent sur la filière hydrogène depuis plus de 20 ans, le Liten, institut du CEA Tech, se positionne comme un acteur majeur disposant d’expertises solides, déjà transférées à l’industrie pour certaines. Le laboratoire mise sur une technologie d’électrolyse de l’eau à haute température développée avec Sylfen et qui se distingue par un rendement supérieur à 90 %. Les deux partenaires ont annoncé en 2017 avoir conçu, assemblé et testé à Grenoble (38) le premier démonstrateur fonctionnel réversible du Smart Energy Hub : en mode électrolyse il produit de l’hydrogène à partir d’électricité photovoltaïque, en mode pile à combustible, il fournit courant et chaleur en cogénération à destination des bâtiments. Parallèlement, le Liten a développé une expertise logicielle pour améliorer les composants qu’il met au point. Avec ces outils, les chercheurs sont capables d’optimiser des systèmes complexes comme dans le cas du catamaran expérimental Energy Observer, pour lequel ils ont développé un logiciel de pilotage automatique de l’ensemble du système énergétique, qui comprend une chaîne hydrogène complète.

 

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