« Monde d’hier contre monde de demain » : Philippe Moati pointe le risque d’un renforcement des clivages sociaux

28 avril 2020 - Pierre Christen

Dans une interview accordée à France Culture, et consultable en ligne en version écrite, l’économiste Philippe Moati livre sa vision de l’impact social de l’épidémie de Covid-19 : « cette crise va accélérer la division de la société en deux parts pas du tout égales : ceux qui vont vouloir accélérer la transition vers autre chose et ceux qui ont hâte de retrouver le monde d'avant, avec toutes les frustrations que cela risque d’engendrer, frustrations qui seront causées par la crise économique et ses conséquences sur les plus modestes ».

L’économiste, qui dirige l’ObSoco (Université Paris-Diderot), après 23 ans passés au Credoc en tant que directeur de recherche, pointe d’un côté un renforcement de la tendance au « consommer moins mais mieux ». Cela dans une partie de la population « disposant notamment d'un fort capital culturel, qui associe cette crise du Covid-19 à une crise plus générale, environnementale, qui serait celle du capitalisme néolibéral. […] La crise est, pour eux, l'occasion d'un passage à l'acte, une sorte de justification par la gravité de la situation du discours "il faut changer le monde" ».

Et de l’autre côté, l’économiste met en évidence les aspirations du « ventre mou » de la société française, d’ailleurs sous-représentées dans les médias. « Ces personnes commencent à ressentir la frustration de ne pas pouvoir consommer comme elles en avaient l'habitude. Celles-là attendent la fin du confinement comme une opportunité de retrouver la vie d'avant. Et cette partie de la population est en moyenne plus touchée par la crise économique », analyse-t-il.  Il poursuit : « Sauf que leur situation économique sera très dégradée, donc la frustration risque de s'intensifier. On risque alors d'assister à l'exacerbation de la tension entre un vouloir d'achat et un pouvoir d'achat qui ne sont pas au diapason ».

Une analyse validée par Michel-Edouard Leclerc

Philippe Moati redoute que ce double clivage s'accentue dans les années à venir, quand la crise économique aura pris le pas sur la crise sanitaire. Et qu’il soit à l’origine de troubles sociaux. Il schématise : « D'un côté, une avant-garde nourrie - une partie substantielle de la population - très volontaire pour accélérer la transition à tous les niveaux et notamment en termes de consommation, qui a la certitude d'avoir raison, qui a sa bonne conscience pour elle. Et de l'autre côté, ce ventre mou, moins structuré, qui formalise moins sa vision du monde, qui reste attaché au monde d'hier et qui va trépigner de ne pas pouvoir y accéder comme avant ».

Une analyse que n’a pas manquée de relever Michel-Edouard Leclerc sur son blog. « Je partage l’avis de Philippe Moati qui anticipe une opposition, voire une confrontation sociale majeure », indique le distributeur. « On se gausse beaucoup sur l’idéal d’un monde "d’après". L’expression semble faire recette. Mais aurait-on oublié combien fut mal ressentie l’opposition entre "ancien monde" et "nouveau monde" ? »

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