Négociations 2019 : une déflation de -0,4 % enregistrée
La frustration est à la hauteur des espoirs générés par la loi Alimentation… Un sentiment pour la première fois rendu objectif lors du dernier comité de suivi des relations commerciales, qui s'est tenu le 16 avril. Le médiateur des relations commerciales agricoles a pris la parole pour présenter son bilan des négociations commerciales 2019. Francis Amand s'est appuyé sur les remontées de six organisations : Coop de France, Ania, Feef, Ilec, FCD et FCA. Près de 340 entreprises agroalimentaires ont participé, représentant 75 % des ventes en marque nationale, ainsi que les sept principales enseignes.
« Les progrès sont encore insuffisants, malgré une amélioration de la situation dans le secteur laitier », a indiqué le médiateur. Les hausses initiales demandées par les fournisseurs sont très majoritairement à la hausse, avec une moyenne de +4 % du tarif. Mais à la fin des négociations, la déflation moyenne s'est conclue en moyenne à -0,4 %, toutes catégories de produits confondues. Un chiffre établi sur le prix triple net, c'est à dire le tarif moins les remises prévues dans les conditions générales de vente, les remises et ristournes des conditions particulières de vente et les services de coopération commerciale. Cette déflation moyenne masque une certaine hétérogénéité entre les catégories de produits : -0,9 % pour l'épicerie sucrée, -0,8 % pour l'épicerie salée, -0,7 % pour le frais non laitier, +0,2 % pour le surgelé et +1,4 % pour le frais laitier (dont œufs). L'évolution sur le segment des boissons varie de -0,3 % à -1,2 %, avec un meilleur traitement des boissons alcoolisées.
Une perte de 300 millions d'euros en valeur
Pour l'Ania, le constat est sans appel : la perte est de 300 millions d'euros en valeur, qui s'ajoute aux 5,5 milliards d'euros déjà détruits par sept années consécutive de guerre de prix. « Malgré la loi, la déflation reste la règle. Cette perte de valeur est une menace pour l'avenir de la filière alimentaire française », commente Richard Girardot, président de l'association représentant l'industrie alimentaire.
L'Ilec, qui représente les grandes marques, pointe que sur les trois quarts des marchés de l’alimentaire, la baisse des prix de cession nets est la règle, le plus souvent comprises entre 1 et 2 points. « La loi n’y a rien fait : les “négos” 2019 ne sont pas plus que les précédentes porteuses de revalorisation des filières, à la relative exception des produits laitiers », conclut Richard Panquiault, son directeur général.
De son côté, la FCD livre une autre interprétation. Les principales enseignes de distribution (hors Leclerc et Intermarché) affirment que la déflation est quasiment stoppée et ne fait que refléter la forte baisse de certaines matières premières en 2018. Au passage, elles tentent de déplacer le débat sur la transformation en demandant que « ces évolutions positives se retrouvent dans les prix payés par les industriels aux producteurs agricoles ». « La transparence doit être enfin la règle », indique l'association.
De son côté, Thierry Cotillard, président d'Intermarché, a publié une lettre ouverte dans le journal Les Echos, dénonçant la communication de l'Ania. Ce qui n'a pas manqué de faire réagir Richard Girardot : « Les chiffres sont têtus. 600 millions d'euros vont être payés en plus par les consommateurs cette année et transférés dans les caisses des hypermarchés, des supermarchés. Pour l'instant pas un centime n'est arrivé, ni dans les cours des fermes, ni dans celles des usines. Les négociations commerciales ont abouti à 0,4 % de déflation, soit près de 300 millions d'euros encore évaporés cette année ».
Un renforcement de l'arsenal juridique
Lors du comité de suivi, les ministres ont présenté le panel des mesures mises en œuvre : encadrement des promotions (depuis le 1er janvier 2019) et relèvement du seuil de revente à perte (depuis le 1er février 2019). Les cinq derniers projets d'ordonnance vont être présentés au Conseil des ministres. Ils prévoient notamment de renforcer l'arsenal juridique pour sanctionner la grande distribution en cas d'abus. Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a affirmé la nécessité d'aller plus loin. Il a notamment demandé aux enseignes de prendre des engagements vis-à-vis de leurs marques de distributeurs, sur lesquelles la guerre des prix s'est déplacée.