Radicalisme vegan : la tension monte d'un cran
C'est le fait de trop. Un incendie criminel, dans la nuit de jeudi 27 à vendredi 28 septembre 2018, a touché les abattoirs Gesler, dans l'Ain. Selon les premières constatations, des individus sont entrés frauduleusement sur le site et ont allumé six départs de feux, dont l'un près d'une cuve de fuel. Les bâtiments (abattage, découpe, salaison, bureaux, etc. ) de cet abattoir de moyenne dimension, soit 2 500 m² au total, ont été détruits ou rendus inutilisables par les fumées. L'incendie met 80 salariés au chômage technique.
L'enquête est en cours. Et à l'heure actuelle, aucun lien direct ne peut être établi avec des militants vegan. D'autant qu'aucun tag revendicatif n'a été apposé sur place. Mais pour les professionnels de la viande, il n'y a pas de doute. Leurs regards se tournent vers une fraction de militants vegan, qui ces derniers mois se radicalise jusqu'à multiplier les actes menaçants et même violents envers des élevages, des boucheries, des marchés aux bestiaux, des abattoirs et une école d’apprentissage.
Dans un communiqué commun, les interprofessions Interbev et Inaporc interpellent avec virulence le Président de la République, à la mesure - jugent-elles - du sentiment d'injustice et d'insécurité ressenti par les professionnels : « Sommes‐nous en guerre civile ? [...] Devons-nous prendre les armes pour défendre nos entreprises, nos métiers et leurs personnes ? ».
Les deux interprofessions reprochent clairement un manque de réaction des Pouvoirs publics. « Les libertés de conscience et d’expression invoquées par des collectifs et associations anti‐viandes et antispécistes ne sauraient être les cautions de ces violences. Et pourtant, partout en France, ils nous déclarent ouvertement la guerre, notamment au travers d’appels à la désobéissance civile : comment expliquer que les Pouvoirs publics laissent tenir de tels propos ? »
Une fraction plus virulente que L214
Du côté des associations antispécistes, c'est silence radio. Toujours prompte à dégainer des communiqués de presse mettant en cause les acteurs de la filière viande, l'association L214 reste pour le moment muette. Il est facile de comprendre que ces actions violentes discréditent un combat que l’association, parfaitement rodée aux techniques médiatiques (Lire ici), mène depuis 2008. Force est de constater qu'elle a réussi à marquer en profondeur l'opinion publique grâce à ses vidéos chocs montrant des souffrances animales. Elle a aussi engagé un lobbying sur le monde politique comme ce fut le cas lors de la loi Alimentation, ce qui a conduit au dépôt d'amendements (non adoptés), comme celui sur la vidéosurveillance dans les abattoirs.
Cependant, L214 semble aujourd'hui débordée par une fraction plus virulente. Comme l'association 269 Libération Animale, créée en 2016 et qui affirme lutter pour la libération animale à travers un activisme offensif reposant sur l'usage de l'action directe et de la désobéissance civile. Ou encore Boucherie Abolition.
Prendre du recul
Si les faits de ces derniers mois tendent à démontrer l'irruption d'un militantisme vegan radical, il faut cependant prendre du recul. A l'échelle de la population française, comme nous l'expliquait l'économiste et sociologue Jean-Louis Lambert dans nos colonnes, il faut comprendre que « pendant très longtemps, il y a eu une hiérarchie entre les êtres vivants, les animaux étant considérés inférieurs aux humains. Aujourd’hui, une partie des espèces animales, surtout les mammifères, est repositionnée au même niveau que les humains ». Cette évolution morale se traduit dans les comportements de consommation. "Mais davantage par la montée en puissance des attentes en matière de bien-être animal, que par le rejet de tout ce qui provient de l’animal", concluait-il.