Nutrition et cancer

Viandes et charcuteries à nouveau mises à l’index

1 juin 2011 - Josselin Moreau

Le Centre d’information des viandes et la Fédération des industriels charcutiers traiteurs réagissent aux conclusions du rapport de l'Anses sur les relations entre nutrition et cancer. Crédit : Olivier Le Moal - Fotolia.com

« Il n'existe pas d'aliment ou de nutriment "anticancer" en soi. L'expression d' "aliment canticancer" est "trompeuse" ». C’est la conclusion du rapport d’expertise « Nutrition et cancer : légitimité de recommandations nutritionnelles dans le cadre de la prévention des cancers » publié jeudi 26 mai par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Des conclusions qui font bien entendu écho aux conseils nutritionnels de certains scientifiques comme les docteurs David Servan-Schreiber et David Khayat, chef du service d’oncologie de la Pitié-Salpêtrière et ancien président de l'Institut national du cancer.

« La consommation d'un aliment, d'un nutriment ou d'un complément alimentaire en particulier n'est pas suffisante, à elle seule, pour prévenir l'apparition d'un cancer », confirme donc l’Anses qui rappelle que seule « une alimentation équilibrée et diversifiée avec un apport calorique adapté aux dépenses énergétiques jointe à une activité physique régulière » permet de prévenir le risque de cancer. L’Anses promeut également une série de recommandations nutritionnelles dont la consommation de fruits et légumes et l’allaitement maternel exclusif pour les nourrissons jusqu’à 6 mois. Certains aliments sont en revanche pointés du doigt de part les liens jugés convaincants entre leur consommation et le risque de cancer. C’est le cas des aliments à forte densité énergétique, des boissons alcoolisées, mais aussi des viandes de boucherie et des charcuteries.

 

Viandes et charcuteries sur la sellette

 

Louis Orenga, directeur du Centre d’information des viandes, réagit à ces conclusions en précisant qu’une majorité des études ayant servies aux méta-analyses du Fond mondial de recherche contre le cancer (WCRF en anglais) citées dans le rapport de l'Anses proviennent de pays anglo-saxons, où la consommation de viande de boucherie est beaucoup plus importante qu’en France. En France, la consommation moyenne de viande de bœuf par personne est de 200 grammes par semaine. Elle baisse de 0,5 à 1 point par an depuis 20 ans. La consommation totale de viande de boucherie (bœuf, veau, agneau et porc) par personne se situant à 370 grammes par semaine. « On est loin de la recommandation nutritionnelle de 500 grammes de viandes consommées indiquée dans le rapport. Il faut arrêter de faire peur aux gens inutilement ! », s’insurge Louis Orenga. Celui-ci regrette l’utilisation du terme de « viandes rouges » dans le rapport de l’Anses alors que l’étude WCRF de 2007 fait en réalité référence à l’ensemble des « viandes de boucherie », et pas seulement au bœuf. Il précise également que 500 grammes de viandes consommées équivaut à 700 grammes de viandes achetées. Hasard du calendrier, le WCRF vient de réitérer ses recommandations dans un nouveau rapport publié le 23 mai 2011.

Certains scientifiques remettent également en cause les méthodologies et les résultats statistiques de ces grandes méta-analyses internationales. « Je comprends que les pouvoirs publics français appliquent un principe de précaution. Mais ce n’est pas raisonnable en termes de santé publique de dire que des preuves fiables et intangibles existent entre la consommation de viande rouge et le risque de cancer colorectal », souligne Louis Orenga.

 

Engagements nutritionnels

 

Du côté de la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (Fict), on indique que la consommation de charcuteries en France reste très raisonnable (en moyenne 36,6 g/personne de charcuteries par jour - source INCA 2) et que le risque peut donc être considéré comme faible. « La FICT a toujours encouragé une consommation de produits de charcuterie en quantité raisonnable et dans le cadre d’une alimentation variée et diversifiée. Dans ces conditions, ces produits peuvent – au même titre que d’autres - parfaitement trouver leur place dans une alimentation équilibrée », précise Catherine Goavec, déléguée générale de la Fict.

Sur les risques évoqués dans le rapport de l’Anses entre sels nitrités et production de composés cancérogènes ou favorisant les cancers dans le tube digestif, la Fict met en avant les travaux de recherche engagés avec l’Inra afin de mieux comprendre ces mécanismes. « Les doses actuellement utilisées par les fabricants sont d’ailleurs inférieures aux limites réglementaires qui sont établies sur des bases toxicologiques », ajoute Catherine Goavec. Enfin, elle rappelle les engagements de la Fict signés en mars 2011 dans le cadre d’une charte collective d’engagements volontaires de progrès nutritionnels : baisse de 5% du sel et du gras déjà effective ; introduction de critères maxima dans le Code des usages d’ici fin 2013 sur les produits les plus consommés (jambons cuits et secs, saucissons secs, pâtés de campagne et pâtés-mousses de foie, saucisses type Strasbourg, lardons et rillettes.)

Malgré les efforts des professionnels de la viande et de la charcuterie dans l'amélioration nutritionnelle des produits et la communication, ce rapport de l’Anses rappelle donc une fois de plus aux interprofessions concernées les critiques nutritionnelles auxquelles elles vont devoir répondre dans les prochaines années, en plus des critiques environnementales.

Process Alimentaire - Offres d'abonnement

AU CŒUR DE L’ INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE

● Une veille complète de l’actualité du secteur agroalimentaire
● Des enquêtes et dossiers sur des thèmes stratégiques
● Des solutions techniques pour votre usine

Profitez d'une offre découverte 3 mois