Volaille : le donnant-donnant de l’Autorité de la concurrence
Après le yaourt, la volaille. Dans sa décision du 06 mai 2015, l’Autorité de la concurrence a condamné 21 industriels de la volaille ainsi que deux organisations professionnelles (la FIA et le Cidef) à des amendes couvrant un montant global de 15,2 millions d’euros. En cause : des pratiques concertées entre 2000 et 2007.
Précisément, il faut distinguer deux périodes. Une première allant de 2001 à fin 2006, durant laquelle les industriels de la volaille discutaient de manière irrégulière des informations sur les prix. Une manière de réduire l’incertitude, sans que pour autant ces pratiques puissent être qualifiées d’entente.
Entre fin 2006 et fin 2007, en revanche, le nombre de réunions s’est accru. Les cours des céréales avaient doublé en quelques mois. Une véritable crise qui a affecté un secteur très intégré. Cette spécificité conduit à faire peser sur le seul industriel, le risque lié à la volatilité des prix des céréales (qui représentent 66 % du prix d’une volaille standard). De plus, les mises en place de poussins par les éleveurs sont associées à des garanties d’achat de volailles prêts à l’abattage sans que les contrats de vente ne puissent en aval garantir de débouchés.
Sur cette période d’un an, des concertations illicites ont été réalisées afin d’effectuer des demandes communes auprès des distributeurs. Ce que l’Autorité nomme « une régulation interprofessionnelle informelle ou sauvage mise en place par la FIA pour faire face à l’urgence ». Une démarche qui toutefois n’a eu qu’un effet partiel auprès de la grande distribution.
Les montants des amendes ont été déterminés en fonction de l’importance des opérateurs sur le marché et de leur degré de participation à l’entente. Des abattements ont réalisés en fonction de leurs éventuelles difficultés financières.
Montant final des sanctions :
- LDC Sablé : 5 millions d’euros (M€)
- Gastronome : 2 M€, après abattement de 60 %
- Arrivé : 4 M€
- Galéo (ex-Secoué) : 400 000 euros, après abattement de 60 %
- Ronsard : 400 000 euros, après abattement de 60 %
- Duc : 100 000 euros, après abattement de 90 %
- SNV : 500 000 euros
- Les Volailles de Keranna : 500 000 euros
- Loeul et Piriot : 500 000 euros
- Celvia : 200 000 euros
- Pronacar : 200 000 euros
- Lionor : 200 000 euros
- Volailles Rémi Ramon : 200 000 euros
- Blason d’Or : 200 000 euros
- Ernest Soulard : 200 000 euros
- Multilap : 200 000 euros
- Bretagne Lapins : 100 000 euros
- Corico : 100 000 euros
- Volailles Léon Dupont : 40 000 euros après abattement de 60 %
- RVE : 10 000 euros, après abattement de 90 %
- Savel : 100 000 euros
Deux interprofessions ont également été sanctionnées : la FIA à hauteur de 40 000 euros et le Cidef à hauteur de 10 000 euros.
Une décision innovante ?
Dans sa communication, l’Autorité de la Concurrence insiste sur le fait qu’elle a modéré les amendes infligées. Une décision qualifiée d’« innovante » par Norton Rose Fulbright, un cabinet d’avocats qui a conseillé deux sociétés du secteur dans cette affaire. Car pour des raisons d’intérêt général, l’Autorité s’est écartée de son méthode habituelle de détermination des sanctions.
Elle a en effet considéré que l’engagement collectif de 17 entreprises et d’une organisation professionnelle (la FIA) de travailler à la création d’une interprofession de la volaille est plus efficace que les sanctions pécuniaires. D’autant que tous les parties ont adopté la procédure de non-contestation des griefs.
L’Autorité demande en contrepartie de répondre à des engagements précis :
- Faire les meilleurs efforts pour créer une interprofession du secteur avicole dans un délai de trois ans,
- Constituer un comité de préfiguration, lancer les travaux, et émettre dans 18 moins un rapport sur les avancées et ce qui restera à accomplir,
L’Autorité souligne que les échanges portant sur les prix de gros aurait pu être atteints facilement par des moyens légaux dans le cadre d’une interprofession bien organisée (en rendant anonymes les données). De plus, il existe depuis 2007 des outils légaux pour encadrer les conditions de répercussion vers l’aval les hausses de prix d’une filière en cas de fluctuations excessives. Une disposition prévue par la loi Hamon de 2014.
Malgré ces aménagements, les sanctions prévues sont loin d’être indolores pour une filière en grande difficulté.
Le groupe Duc a réagi en indiquant que l’amende tombe au plus mal, à un moment charnière de son plan de restructuration. Le volailler bénéficie d’ailleurs d’un abattement de 90 %. Il précise que cette sanction ne remet pas en cause les mesures annoncées le 10 avril dernier, notamment un plan d’investissement d'1,8 million d’euros engagé pour la modernisation de l'atelier de traitement des coproduits à Chailley (Yonne) et de nouvelles installations de production de froid à Saint-Bauzély (Gard).