Emballages

Bisphénol A : vers une révision de la loi française ?

9 février 2015 - Karine Ermenier

La loi française ouvre d'emblée une brèche vers sa révision car elle invoque la suspension du BPA (à compter du 1er janvier 2015)" jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise des opérations."

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a publié en janvier sa réévaluation complète de l’exposition et de la toxicité du bisphénol A et a conclu que le BPA ne présentait pas de risques aux doses journalières tolérables (à savoir 4 microgrammes par kilo de poids corporel et par jour). Face à cet avis, contradictoire par rapport à celui des autorités sanitaires françaises, les fabricants de boîtes métal exigent que la loi française soit révisée. Cette requête paraît d'autant plus audible que la loi française n'interdit pas le BPA dans les contenants à vocation alimentaire mais elle le « suspend » simplement.

La loi française suspend le BPA « jusqu'à ce que le gouvernement autorise une reprise »

Rappelons, en effet, dans le texte, que l’article 1 de la loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012 précise que la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, est suspendue (à compter du 1er janvier 2015) jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations. » La loi prévoit donc, elle-même, une reprise possible de la commercialisation des emballages avec BPA !

Les fabricants d'emballages en appellent à la raison

Pour autant, qu'est ce qui pourrait motiver le gouvernement français à le faire ? Une injonction de la direction générale de la santé de la Commission Européenne assortie de menaces d'amende sous prétexte d'entrave à la libre circulation des marchandises ? Peut-être … Une situation similaire s'était présentée dans le cas de l'introduction de l'energy drink Red Bull en France. A défaut, les fabricants d'emballages métalliques en appellent simplement à la raison. « La loi française pénalise fortement nos industries, explique Olivier Draullette, délégué général du Syndicat National des Fabricants de Boîtes, emballages et bouchages Métalliques (SNFBM). La loi nous interdit de vendre et même d'exporter nos stocks de boîtes métalliques. Alors même qu'elles répondent aux normes de tous les autres marchés européens et même internationaux. Nous demandons donc, a minima, que le gouvernement français nous autorise à livrer nos clients à l'export avec des solutions contenant du bisphénol A. Car l'export représente 40 % de nos débouchés ! Dans la conjoncture actuelle, nous n'avons vraiment pas besoin de tels freins à la compétitivité.» En France, l'industrie de l'emballage métallique représente 1,5 milliard d'euros et 20 000 emplois directs et indirects. « Si la loi française était maintenue, qui dit que les multinationales qui ont investi dans la boîte métal en France parce qu'elle abritait un berceau de cette industrie, continuent à le faire ? », s'inquiète Olivier Draullette.

Un marché français sans BPA

Et pour le marché français, faut-il s'attendre à une marche arrière ? « La levée de la suspension pourrait nous permettre, sur le marché français, de disposer du temps nécessaire à la mise en place de substituts qui ne pénalisent pas économiquement nos clients, indique Olivier Draullette du SNFBM. Et qui nous permettent de confirmer des Dates Limites d'Utilisation Optimale (DLUO). Car, nous ne nous sommes jamais montrés hostiles à la recherche de substituts. Nous l'avons démontré ces deux dernières années en investissant plusieurs dizaines de millions d'euros dans la recherche. Mais nous avons, depuis le début, réclamé du temps supplémentaire pour pouvoir tester nos substituts sur des DLUO équivalentes à celles des boîtes métalliques contenant des résines avec bisphénol A. Aujourd'hui, nous avons dû encourager les industriels à raccourcir leur DLUO faute de pouvoir leur assurer toute la sécurité nécessaire sur des dates plus longues. Pour faire simple, nous avons dû confirmer des DLUO de cinq ans sur une période de tests de deux ans. Même si nous disposons de techniques de vieillissement éprouvées, ce délai ne suffit pas. »

Même si la loi française venait à être révisée ou abrogée en l'état, les industriels français continueraient donc sûrement à commercialiser des conserves ou boîtes boissons sans BPA (bisphénol-ni). « On pourra, au moins, laisser le marché décider de ce qu'il veut », précise Olivier Draullette. Les industriels de l'agroalimentaire se sont, en effet, convertis au BPA-ni depuis le 1er janvier 2015. Il semble peu probable qu'ils fassent machine arrière. D'autant que l'avancée des recherches en matière de substituts pourrait conduire à des solutions proposant enfin la même DLUO qu'auparavant. Tout au moins sur la majorité des produits. Restera toujours le cas des denrées acides.

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