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Scandale

Eaux minérales et de sources : un système de contrôle mis en échec

Après six mois de travaux et 73 auditions, la commission d’enquête du Sénat dénonce des pratiques industrielles illégales et des défaillances de l’État dans le contrôle des eaux minérales. Le rapport met en cause non seulement Nestlé Waters, mais aussi l’inaction prolongée des autorités sanitaires et administratives.
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  • Auteur : Stéphanie PERRAUT
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Le 14 mai 2025, la commission d’enquête sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille a adopté un rapport accablant. Présidée par le sénateur Laurent Burgoa (Les Républicains - Gard), cette commission avait été mise en place après les révélations sur des traitements illégaux de certaines eaux embouteillées. Le rapport, rédigé par le sénateur Alexandre Ouizille (Socialiste, Écologiste et Républicain - Oise), s’appuie sur 73 auditions menées entre décembre 2024 et mai 2025 . Il décrit un enchaînement de dysfonctionnements étatiques et industriels autour d’une ressource dont la réglementation repose pourtant sur un principe fondamental : la pureté originelle.

Une ressource précieuse strictement encadrée

Les eaux minérales naturelles et les eaux de source doivent être microbiologiquement saines et embouteillées telles qu’elles sont à l’émergence. Elles ne peuvent faire l’objet d’aucune désinfection ni traitement susceptible d’altérer leur composition. Cette spécificité, reconnue dans la réglementation européenne et française, justifie leur dénomination commerciale et leur prix de vente, bien supérieur à celui de l’eau du robinet.

Le secteur compte 104 sites d’exploitation répartis dans 59 départements. Trois groupes dominent le marché, dont Danone et Nestlé. La filière pèse 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé et 11 000 emplois directs, auxquels s’ajoutent 30 000 emplois indirects. Les collectivités locales bénéficient d’une contribution fiscale liée à l’exploitation des sources, estimée à 18,4 millions d’euros en 2024. «  Si l’eau est déclassée, c’est-à-dire si n’est plus dire “de source” ou “minérale naturelle”, les communes perdent ce bénéfice de fiscalité  », souligne le rapporteur Alexandre Ouizille. «  La désinfection est le cœur de l’affaire », poursuit-il.

Des pratiques illégales dissimulées et tolérées

Le scandale éclate fin 2019 avec le signalement d’un salarié du groupe Alma. Une enquête de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) met au jour l’usage de microfiltrations inférieures au seuil de 0,8 micron, considéré comme limite depuis 2001. Le 31 août 2021, Nestlé Waters admet devant le cabinet de la ministre de l’Industrie l’utilisation de filtres à charbon actif et de traitements UV, pourtant interdits, dans ses usines de Vittel, Hépar, Contrex et Perrier. Ces procédés sont assimilables à des traitements de désinfection, ce qui va à l’encontre de la réglementation encadrant les eaux minérales naturelles.

Les autorités ne déclenchent pas de poursuites judiciaires. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) est saisie , mais les agences régionales de santé (ARS) ne sont informées qu’en janvier 2022. Plusieurs mois s’écoulent avant tout signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale (l’article 40 du code de procédure pénale oblige toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire à signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou délits dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions). Nestlé continue à produire et vendre de l’eau ne répondant plus aux critères de l’eau minérale naturelle, tout en proposant un « plan de transformation » basé sur la microfiltration à 0,2 micron, elle aussi juridiquement contestée. À noter que la marque Maison Perrier, lancée en France en avril 2024, n’est pas concernée par cette affaire, car elle est étiquetée comme étant rendue potable par traitement...

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