Crédit : ABEA

Qualité

Gestion de l’eau : le gouvernement affiche des ambitions fortes de recyclage

31 mars 2023 - Stéphanie PERRAUT

Lors de son déplacement du 30 mars dans les Hautes-Alpes, le Président de la République a annoncé les mesures du tant attendu « Plan Eau ». La filière agroalimentaire se félicite d’une seule voix : les feux passent au vert pour la réutilisation des eaux usées traitées.

« La Nation a besoin de faire sur l’eau, ce que nous avons fait sur l'énergie, une planification en la matière. C’est-à-dire qu'on doit tous, nous, citoyens, industriels, services, collectivités locales, agriculteurs, faire attention à cette ressource qui devient rare », affirmait le Président de la République au Salon de l’agriculture en février 2022. Après un nouvel été caniculaire et une sécheresse hivernale hors norme, il a annoncé le 30 mars 2023 les mesures du « Plan Eau », à Savines-le-Lac, dans les Hautes-Alpes, région où les effets du changement climatique sont particulièrement visibles : sécheresse, réduction du manteau neigeux, diminution des précipitations, niveau des lacs anormalement bas, qui invitent tous les secteurs et acteurs qui dépendent de la ressource en eau dans cette région (agriculteurs, villes, acteurs du tourisme et industriels) à travailler ensemble pour protéger, préserver et partager la ressource en eau. Savines-le-Lac est d’autant plus emblématique que sa retenue d’eau est la plus importante d’Europe de l’Ouest.

Préparer l’été 2023

 Pour répondre aux défis posés par le changement climatique et garantir à tous un accès à une eau de qualité tout au long de l’année, le chef de l’Etat a présenté le fruit d’échanges interministériels qui ont débuté à l’automne 2022. L’enjeu est double. Il s’agit tout d’abord, à court terme, de préparer l’été prochain et d’éviter au maximum les coupures d’eau potable. Pour cela, une application va voir le jour dans le but de rendre accessible à tous les bons gestes pour économiser l’eau et connaître les règles qui s’appliquent dans chaque territoire, sur le modèle de Ecowatt. 

« Depuis le mois de septembre, nous avons déjà lancé des travaux d’urgence dans les territoires les plus fragiles, et pour accompagner les agriculteurs. 100 millions d’euros ont été engagés et 500 projets financés pour connecter des réseaux d’eau par exemple, développer et moderniser certains canaux, afin de préparer l’été prochain et les possibles sécheresses des prochaines années », illustre l’Elysée. 

10 % d’économie d’eau d’ici 2030

Le second enjeu porte sur le moyen et le long terme. L’objectif fixé par le Président est d’atteindre les 10% d’économie d’eau dans tous les secteurs d’ici 2030 pour planifier la sobriété en eau dans la durée. Des plans de sobriété sur l’eau par secteur sont annoncés avant l’été. 
Cette planification écologique comporte cinq axes.

  1. Faire des économies d’eau dans tous les secteurs dans la durée. A horizon 2050, les études scientifiques montrent que le changement climatique pourrait nous priver de 30 % à 40 % de l’eau disponible dans le pays. Tous les secteurs devront donc être mobilisés et adapter des pratiques plus économes, à commencer par la production d’électricité (nucléaire et hydroélectrique) et l’industrie. Pour cette dernière, les ministres de la transition écologique et de l’industrie organiseront une réunion des 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de baisse de consommation d’eau, pour travailler avec eux sur un plan d’investissement.
  2. Lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux. A l’échelle nationale, 1 litre sur 5 est perdu à cause des fuites. Dans certains territoires, c’est un litre sur 2 qui est perdu. 180 millions d’euros seront mobilisés pour les résorber au niveau des communes et des utilisateurs. Les plus gros consommateurs seront équipés de compteurs intelligents. 35 millions d’euros supplémentaires par an seront alloués à la gestion de l’eau en Outre-mer. 
  3. 1 000 projets pour recycler et réutiliser les eaux usées. C’est LA nouvelle phare pour la filière agroalimentaire. Aujourd’hui en France, moins de 1% de l’eau usée est réutilisée. L’ambition est de passer à 10 % d’ici à 2030, c’est-à-dire à 300 millions de m3, l’équivalent de la consommation de 3500 bouteilles d’eau par Français. Ceci passera par l’identification de 1 000 projets sur cinq ans en lien avec les collectivités territoriales. La priorité sera mise sur les zones littorales ainsi sur les zones où les pressions sur la ressource en eau sont les plus fortes. « Pour certains usages de loisirs, l’utilisation d’eau réutilisée (ou d’eau de pluie récupérée) doit devenir la norme partout où c’est possible », affirme le chef de l’Etat qui annonce en parallèle une simplification des procédures administratives afin d’accélérer la mise en place de ces projets.
  4. Planifier les usages de l’eau et les transformations de notre modèle agricole. L’ambition est d’accompagner le développement de l’irrigation sur de nouveaux territoires par une baisse de la consommation individuelle et une adaptation des filières. Un diagnostic « eau, sols et adaptation » sera intégré aux aides à l’installation pour tout nouveau jeune agriculteur. 30 millions d’euros supplémentaires seront dédiés au soutien à l’investissement dans des systèmes d’irrigation plus économes. Des plans d’adaptation seront construits dans chaque territoire. 
    Sujet sensible dans l’actualité, les pratiques de stockage de l’eau seront aussi réinterrogées. Un fonds de 30 millions d’euros pour l’hydraulique sera débloqué afin de faciliter l’utilisation des ouvrages existants et d’améliorer l’infiltration dans les nappes phréatiques. 
    Si un nouvel ouvrage de stockage est nécessaire du fait des particularités de certains territoires, il devra répondre à une série d’obligations, en phase avec des « projets de territoire pour la gestion de l’eau » (PTGE).
    Au total, ce sont près de 500 millions d’euros supplémentaires qui seront mobilisés chaque années, via les agences de l’eau, pour mettre en oeuvre ces ambitions. Le plafond de dépense des agences de l’eau sera supprimé, ce qui leur permettra de venir co-financer avec les collectivités, toutes les actions permettant de s’adapter aux conséquences du changement climatique.
  5. Permettre la mise en place partout d’une tarification progressive et incitative de l’eau. Dès 2017, des expérimentations sur la tarification progressive et responsabilisante de l’eau ont été lancées. En concertation avec les élus, cette tarification progressive de l’eau sera généralisée en France afin d’inciter à la sobriété. Les premiers mètres cubes seront facturés à un prix modeste, proche du prix coutant, pour tout le monde : cela correspond à l’eau dont nous avons pour couvrir nos besoins essentiels. Au-delà d’un certain niveau, qui ne correspond plus à un usage sobre de l’eau, le prix du m3 sera plus élevé. 

Un enthousiasme unanime  pour l'industrie agroalimentaire

Un ensemble de mesures qui a été accueilli avec enthousiasme par le secteur agroalimentaire. Dans une communication en date du 31 mars, l'Ania a salué l'ambition du « Plan eau » présenté par le gouvernement. L’association « se réjouit que ce dispositif, pour lequel l’ABEA (Association des entreprises agroalimentaires bretonnes) et l’Atla (Association des transformateurs laitiers) ont milité depuis longtemps, devienne enfin une réalité ». Et de rappeler aussi que la traduction de ce plan dans les textes réglementaires et les modalités opérationnelles de mise en œuvre des mesures sera déterminante. L’enjeu étant que ces modalités répondent aux contraintes et usages existants des entreprises. « Enfin, il faudra définir les dispositifs d’accompagnement pour les entreprises qui vont devoir investir dans de nouveaux process et installations », demande l’Ania. Les freins réglementaires autour du re-use, c’est-à-dire le recyclage de l’eau en usine, sont en passe d’être levés. 

« C’est une décision pleine de bon sens, qui était très attendue par les entreprises alimentaires. Ce levier d’économie d’eau, pragmatique et responsable, contribuera à rendre notre chaîne alimentaire plus résiliente. C’est une avancée majeure pour les entreprises et pour l’environnement », souligne Olivier Clanchin, président de l’ABEA et de l’entreprise Olga. Il rappelle qu’à l’échelle de la Bretagne, une étude menée par l’ABEA auprès de 28 sites industriels démontre que la levée des verrous réglementaires sur la re-use va permettre d’économiser plus de 2,5 millions de m3 d’eau potable chaque année, soit l’équivalent de 1 000 piscines olympiques, rien que pour ces sites. Le potentiel d’économies au niveau national est donc considérable.
 

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