L’industrie agroalimentaire interpelle les candidats à la présidentielle
C'est dans un contexte compliqué pour le secteur agroalimentaire que l'Ania est allée à la rencontre des candidats à la présidentielle. Certes le chiffre d'affaires du secteur est en croissance de 1,1 % en 2016 à 172 Mds€. Premier employeur du pays, avec 427 213 salariés directs pour 17 647 entreprises, le secteur est même parvenu à créer 4 333 emplois en 2016 . "Malgré ces résultats qui montrent notre résilience, l'industrie alimentaire subit un double décrochage de ses marges et de sa compétitivité, causée par la hausse des prix des matières premières, la guerre des prix dans la grande distribution et la pression fiscale qui assomment nos entreprises", déclare Jean-Philippe Girard, président de l'Ania.
Une structure financière qui se dégrade
Le taux de marge a baissé de 3,1 %, soit une perte de près de 4 points depuis 2007, malgré le CICE, le bas coût du pétrole et les taux d'intérêt favorables. Dans les autres secteurs industriels, ce même taux de marge a retrouvé et parfois même dépassé le niveau de 2007. En clair, la structure financière des entreprises agroalimentaires ne cesse de se dégrader.
Les négociations commerciales 2017 ont encore enfoncé le clou. "Aucune entreprise n'a pu passer la hausse nécessaire pour prendre en compte la hausse du coût des matières premières. Donc, le taux de marge risque de baisser en 2017", alerte Jean-Philippe Girard.
La déflation des prix alimentaires a atteint 1,1 % en 2016, soit - 4 % en cumul sur ces trois dernières années. En 2016, un écart de 1,8 point est même observé entre les prix des produits alimentaires et l'inflation générale. Cela montre la situation particulière que traverse le secteur. "On ne tire pas la sonnette d'alarme, mais la présidentielle peut être le moment de redresser la barre. Car si on continue comme cela, il y aura des réorganisations dans l'industrie alimentaire comme dans la grande distribution", pointe le président de l'Ania.
Les 12 propositions de l'Ania
L'Ania porte douze propositions, rassemblées en trois axes :
- recréer de la valeur en assurant des relations apaisées entre les acteurs de la filière
- recréer de la confiance avec les entreprises agroalimentaires
- redonner des marges de manœuvre économiques et relancer les exportations.
Pour récréer de la valeur, l’Ania demande la création d’un grand Ministère de l’Alimentation, capable de coordonner les politiques publiques. Il s’agit aussi de repenser la Loi de modernisation de l’économie, qui depuis 2009, a remis la négociation au cœur de la relation commerciale, favorisant ainsi un rapport de forces intrinsèquement déséquilibré entre les fournisseurs et une distribution qui s'est concentrée. Pour l’Ania, il faut simplifier la loi et remettre le produit au coeur de la négociation. L'association porte-parole de l'industrie agroalimentaire demande également à ce que soit appliquée la loi, afin d’éviter les pratiques abusives. Enfin, elle souhaite que soit questionné le droit de la concurrence, pour que le dogme du prix ne vienne pas tout écraser.
Pour que les entreprises retrouvent de la confiance, l’Ania demande la suppression des taxes alimentaires jugées inutiles, dont une partie avait été pointée dans un rapport parlementaire en 2016 (Lire ici). L’association demande aussi plus de simplicité, avec une coordination des réglementations sanitaires et environnementales au niveau européen et l'idée d'éviter les surtranspositions nationales. En clair, moins de spécificités franco-françaises.En matière de nutrition, l'Ania plaide pour un moratoire sur les taxes comportementales et demande la mise en place d'un programme d'éducation alimentaire dès le plus jeune âge.
Enfin, retrouver de la compétitivité est essentiel pour que les entreprises puissent se relancer à l’international. Il s’agit par exemple de transformer le CICE en baisse de charge sur les salaires, mais aussi de contribuer à moderniser l’industrie notamment par des dispositifs de soutien plus lisibles. L'Ania demande à ce que soit préservée la compétitivité du coût de l'énergie. Et appelle à un guichet unique pour l’export.
"Il faut un État qui nous facilite la route, avec moins de taxes, moins de surtransposition européenne. Et une grande distribution qui co-construise avec nous. Si on continue à détruire 1 Md€ de valeur par an, nous n'aurons pas grand avenir. Surtout que cette guerre des prix ne relance plus la consommation", conclut Jean-Philippe Girard.