A croire que la SNCF n’a crainte d'user voire d'abuser du greenwashing ! Distinguée par un prix Pinocchio du développement durable il y a quelques années et pointée du doigt à propos de ses annonces sur l’hydrogène l’an dernier, la société récidive, cette fois sur le thème des emballages. Elle a, en effet, annoncé la fin de la vente de bouteilles en plastique dans ses wagons-bars le 14 octobre dernier : soit 2 millions d’emballages en moins à l’année. Vu comme ça, rien à redire ! Les bouteilles seront remplacées par d’autres emballages : en l'occurrence, par des briques en carton pour l’eau plate, fabriquées par la Compagnie des Pyrénées nouvellement arrivée sur le marché (Lire notre reportage en juin 2021) et des canettes en aluminium pour l’eau gazeuse. Le problème est la SNCF justifie cette substitution par la volonté de passer sur des emballages plus vertueux car recyclables. « C’était un vrai paradoxe qu’on mette des millions d’euros pour avoir des TGV recyclables à 97 % et qu’on y vende des bouteilles en plastique », a ainsi déclaré Alain Krakovitch, directeur de Voyages SNCF.
Il n’en a pas fallu davantage pour faire monter l’union des transformateurs de polymères au créneau. Par courrier adressé à Jean-Pierre Farandou (p-dg de la SNCF), Emmanuelle Perdrix, la présidente de Polyvia, a dit « bien entendu respecter le choix de la SNCF de commercialiser les produits qu’elle souhaite, mais c’est la teneur des arguments accompagnant cette annonce qui nous semble parfaitement contestable. » Elle rappelle que les bouteilles d’eau en plastique vendues en France sont en PET, voire en PET recyclé et qu'elles sont donc recyclables. Ce que ne devrait pas ignorer un groupe de l’envergure de la SNCF…
"Ce qu'on appelle le décyclage"
« Si elles sont correctement collectées par l’organisation qui les commercialise, les bouteilles en plastique permettent la fabrication de nouvelles bouteilles avec les mêmes propriétés, poursuit Emmanuelle Perdrix. C’est un cycle fermé et totalement vertueux ». Que penser de la «nouvelle» bouteille ? La présidente de Polyvia a son idée : « Faut-il rappeler qu’elle-aussi est constituée de plastique, pour le pelliculage du carton et pour le bouchon ?» Elle poursuit : « La substitution d’un emballage mono-matériau par un emballage multi-matériaux ne va pas dans le sens d’une meilleure recyclabilité. Contrairement à la bouteille en PET, les bouteilles en «carton» ne serviront jamais à refaire la même bouteille. Le mélange polyéthylène/aluminium obtenu après traitement des briques alimentaires sert au mieux à élaborer des produits de qualité moindre : ce qu’on appelle le décyclage (downcycling en anglais), une approche peu compatible avec le «100 % éco-responsable» ».
En clair, si la revendication d’une ambition environnementale est évidemment positive, encore faut-il bien mesurer la portée et le fondement de certaines allégations. « Le simplisme de certaines assertions ne résiste pas à un examen attentif des faits, quand les solutions alternatives s’avèrent écologiquement moins performantes : n’est-ce pas là que réside «l’hérésie», en réalité ? », a conclu la présidente de Polyvia. Avant d’inviter la SNCF à lui envoyer les éléments de preuve sur lesquels la société s’appuie pour nourrir ses discours publics.