Avancer dans la transition écologique avec un discours raisonnable et raisonné. Voilà ce à quoi aspire le secteur de l’emballage plastique représenté, en France, par l’association Elipso qui a tenu sa conférence de presse annuelle le 17 octobre dernier. Pour Françoise Andres, sa présidente, il n’est pas question de nier ni de cautionner la pollution des océans par le plastique. «Mais l’emballage plastique est devenu l’unique responsable visible. Dans ce contexte d’hypermédiatisation, et j’oserais dire de diabolisation des plastiques, il est important que le secteur de l’emballage prenne la parole pour rappeler tous les engagements qu’il a déjà pris et qu’il compte poursuivre en faveur d’une économie circulaire », avance-t-elle. Déplorant, au passage, que le politique préfère interdire plutôt que d’encourager l’amélioration continue.
"Le temps industriel n'est pas le temps politique"
«Nous ne pouvons pas tout bouleverser en quelques semaines. Le temps industriel, de mutation des machines, des hommes, de la formation, n’est pas le temps politique », regrette-t-elle. Les premiers effets du climat anti-plastique se sont d’ailleurs déjà fait sentir : selon l’étude menée par Elipso auprès de ses adhérents, 40 % ont vu leur chiffre d’affaires impacté à la baisse cette année, contre 20 % l’an passé.
Cette enquête tient également à prouver que les efforts de la profession sont en marche. 72 % des répondants disent intensifier leurs efforts en recherche et développement pour améliorer la recyclabilité de leurs emballages. 30 % se diversifient vers d’autres matériaux . « C’est un choix souvent dicté par les clients mais qui conduit parfois à augmenter l’impact carbone », tempère Christophe Rossé de chez Klöckner Pentaplast, vice-président de la commission économie d’Elipso. Gilles Istin, dirigeant de Knauf Industries, cite l’exemple d’un acteur de la fraise dans le sud de l’Espagne qui, en passant sur des barquettes en carton, a divisé par deux la durée de vie de ses produits. Et serait, depuis, revenu à de la barquette en plastique. De quoi, au passage, s’interroger sur l’utilité de faire venir des fraises d’Espagne à la saison... Mais là est une toute autre question ! « Autre exemple, la bagasse venue de l’autre bout de la planète, qui ne répond pas toujours aux exigences d’alimentarité ou qui est parfois blanchie au chlore. Alors même que le plastique est, lui, extrêmement encadré et contrôlé », cite Françoise Andres.
Côté économie circulaire, les acteurs français de l’emballage poursuivent leurs efforts d’intégration de recyclés. Sur les 2,2 millions de tonnes d’emballages plastiques mises sur le marché en France chaque année (50 % en emballages industriels et commerciaux, 50 % en emballages ménagers), 82 % sont issues de matières vierges, contre 86 % en 2018. 14,5 % sont d’origine recyclée, versus 12 % l'an passé, soit un passage de 260 000 t à 320 000 t de recyclés. "Cela équivaut à 800 000 tonnes de de CO2 économisées. Car une tonne de matière première recyclée économise environ deux tonnes de CO2", indique Serge Vassal, dirigeant de l’entreprise Barbier et vice-président d’Elipso. Enfin, 3,5 % sont d’origine biosourcée, soit 79 000 tonnes.
Accroissement nécessaire des gisements de PET recyclé
« L’objectif fixé par l’Europe est de réincorporer 1 million de tonnes de plastiques recyclés dans l’économie en France d’ici 2025, à raison de 450 000 tonnes pour l’emballage (soit 20 % des volumes d'emballages). Nous sommes largement dans l’objectif et y parviendrons même sûrement plus tôt », explique Serge Vassal. Une forte dynamique est observée sur les films en PEBD (polyéthylène basse densité) qui incorporent jusqu’à 50 % de recyclé pour certains films, de quoi bénéficier d’un bonus d’éco-contribution de 50 % selon le barème 2019-2020 de Citeo. Le PET est l’autre résine en plein progrès sur l’intégration de recyclé, cette fois dans les applications aptes au contact alimentaire. « Mais le marché manque de gisements, ajoute-t-il. Seul l’accroissement des capacités de collecte sur l’ensemble du territoire est à même de répondre à la demande d’incorporation. » Pour maximiser ce taux de collecte, Elipso encourage le gouvernement à mener quatre actions et à les intgérer dans le cadre de la loi sur l’économie circulaire actuellement en discussion :
- harmoniser le schéma de tri au niveau national pour accélérer l’extension des consignes de tri
- déployer une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique pour faire du plastique non plus un déchet mais une ressource. A condition toutefois, que l’ensemble des acteurs aient accès à la ressource. A l’heure actuelle, le manque de gisement disponible de rPET a dopé le cours du recyclé, le rendant 25 % plus cher que le PET vierge.
- mettre en place une collecte séparée des biodéchets ainsi qu’une filière de compostage industriel avec récupération de méthane.
- maintenir une REP (responsabilité du producteur) volontaire dans le domaine des emballages industriels et commerciaux.
« Nous souhaitons que ce projet de loi pour une économie circulaire donne lieu à des débats apaisés qui prennent en considération les avantages offerts par l’emballage en plastique en matière de protection sanitaire et de préservation des produits. Et donc son rôle dans la lutte contre le gaspillage. Une interdiction arbitraire de certains plastiques mettrait un coup d’arrêt aux nombreuses innovations du secteur de l’emballage en matière d’éco-conception. Nous souhaitons que ce projet de loi permette à nos 320 entreprises et à leurs 38 000 collaborateurs de confirmer leur place dans cette nouvelle économie circulaire », conclut Françoise Andres. La première lecture du texte à l’Assemblée nationale est prévue la semaine du 25 novembre 2019.