Durement touchés par la jaunisse virale des betteraves et les pucerons verts cette année, les betteraviers français avaient lancé un appel à l’aide au gouvernement afin de sauver leur récolte. En effet, les rendements s’annoncent désastreux (- 30 % à -50%). Cette situation est une répercussion de l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018 en France.
Le 6 août, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a donc annoncé un plan de soutien gouvernemental, qui contient une indemnisation dans le cas de pertes importantes liées à cette crise, l’investissement de 5 millions d’euros dans la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes (mobilisables dès 2021 dans le cadre du plan de relance), ainsi qu’une dérogation pour utiliser les fameux insecticides en enrobages de semence à partir de l’année prochaine jusqu’en 2023 maximum.
« Trouver un équilibre durable »
Comme l’explique le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, « la filière de la betterave fait face à une crise inédite, dans un contexte où il n’existe pas d’alternative pour protéger la betterave des pucerons et de la jaunisse. Au moment où nous nous sommes donnés comme priorité de retrouver notre souveraineté alimentaire, il nous faut trouver un équilibre durable, c'est tout l'enjeu de la transition agro-écologique. Notre plan d’action vise à accélérer la recherche pour trouver rapidement des solutions véritablement efficaces, et en attendant soutenir massivement nos agriculteurs face à ces aléas. »
Il faut dire que cette crise peut provoquer un abandon massif de la culture de betteraves en 2021 au profit d’autres cultures. Or la France est le premier producteur de sucre européen et le secteur concerne 46 000 emplois dont 25 000 agriculteurs et 21 sucreries. La filière betterave-sucre-bioénergie avait déjà pâti des chutes des cours du sucre ces dernières années, et les biocarburants ont également souffert pendant la crise du Covid-19. Elle a donc besoin de retrouver des couleurs.
Les sucriers et les agriculteurs se réjouissent
Ces décisions ont été saluées par les sucriers comme Tereos et Cristal Union, ainsi que par la FNSEA ou la Confédération Générale des planteurs de Betteraves. L’association dit « accueillir positivement ces premières réponses qui prennent en compte le bon sens agronomique pour une filière confrontée à une impasse technique qui menace sa pérennité ».
« La filière traverse aujourd’hui une crise sans précédent qui concerne toute la filière betterave-sucre-bioénergie française qui constitue l’un des plus beaux fleurons agro-industriels français. Il y a urgence. Sans solution de protection des plantes efficace contre la jaunisse, c’est toute la filière betteravière française qui était condamnée, et au-delà, la souveraineté agricole de la France et la préservation d’un outil industriel fort », constate Olivier de Bohan, Président de Cristal Union.
Le début d’une nouvelle polémique
L’annonce est pourtant loin de faire l’unanimité. « Ces dérogations pour un retour de l’emploi des néonicotinoïdes sur la betterave constituent un recul inacceptable qui démontre que ce gouvernement plie aisément sous le poids des lobbies de l’agrochimie et de l’agriculture industrielle et a renoncé à être le leader de la lutte contre les insecticides tueurs d’abeilles en Europe ! », s’insurge François Veillerette, directeur de l’association Générations Futures.
Ce à quoi le président de Cristal Union répond : « il ne s’agit pas de remettre en question l’indispensable transition écologique. Il s’agit de nous permettre d’être les acteurs de cette transition et non les victimes. »
A noter, cette dérogation de l’emploi du pesticide a suscité la convoitise d’autres interprofessions. Les producteurs de maïs ont ainsi demandé à en bénéficier ce vendredi, mais d’autres pourraient se manifester dans les prochains jours. La polémique risque alors d’enfler cet été, opposant de nouveau pro et anti-néonicotinoïdes.