La décision rendue le jeudi 19 janvier 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne exclut l’utilisation des néonicotinoïdes pour les semences et le droit de déroger à l'interdiction européenne dans le cadre de l’article 53 du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009. Cet arrêt est intervenu alors que le conseil de surveillance devait se réunir le 20 janvier afin d’examiner, au vue des données scientifiques, la possibilité d’octroi d’une troisième et dernière dérogation d’utilisation des néonicotinoïdes pour la filière betterave-sucre, dans le cadre de la loi n°2020-1578 du 14 décembre 2020.
Pour l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française), qui milite depuis 1998 sur les plans politique et juridique afin de parvenir à leur interdiction, cette décision est une victoire. Voire une « revanche » après l’adoption de la loi de 2020.
Les betteraviers en attente d’alternatives
L’Etat français a pris acte de cette décision de justice. « Le gouvernement n’accordera pas de nouvelle dérogation pour 2023 », peut-on lire dans une communication publiée le 23 janvier sur le site du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Et de rappeler que la volonté de la volonté de la France a toujours été de sortir définitivement des néonicotinoïdes en 2024. Le gouvernement en lien avec Inrae, l’Anses et les instituts techniques avait même lancé un plan national de recherche et innovation (PNRI) qui a permis de coordonner un important effort de recherche, focalisé sur la jaunisse de la betterave sucrière pour apporter des solutions alternatives, déployables à l’échelle de la sole betteravière de 400 000 hectares techniquement et économiquement viables à l’horizon de 2024. L’année 2023 constituait une année pivot en la matière.
« Cette décision soudaine de la CJUE vient percuter un programme de travail établi pour trois ans et provoque des inquiétudes légitimes des planteurs, sucriers et semenciers sur la campagne des semis de mars 2023 et plus globalement l’avenir de la filière betterave-sucre », reconnaît le ministère. A seulement quelques semaines des semis de betteraves, la CGB (Confédération Générale des planteurs de Betteraves) dénonce en effet une décision brutale qui, si elle est « appliquée en l’état, risque d’entrainer des conséquences désastreuses et irréversibles dans nos territoires ruraux alors même que les politiques encouragent la souveraineté alimentaire/énergétique et la réindustrialisation de la France ». Pour Franck Sander, président de la CGB, « il est urgent de trouver des réponses adaptées pour permettre aux 23 700 betteraviers de continuer à cultiver de la betterave et fournir aux 67 millions de français le sucre, le bioéthanol et le gel hydroalcoolique dont ils ont besoin chaque jour ».
Un plan d’action dès les semis 2023
Face à l’urgence, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, a réuni lundi 23 janvier les professionnels afin d’échanger avec eux sur la situation et construire un plan d’action qui garantisse la pérennité de la filière betterave sucre française. Les points clés :
- Dès la campagne 2023, de nouveaux itinéraires techniques visant à protéger les betteraves, plantées cette année, seront élaborés.
- En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles issues des projets du plan national de recherche et d’innovation, notamment les plantes compagnes, seront déployées et accélérées à l’horizon des semis 2023, sur le plus de surface possible. Le choix sera laissé aux agriculteurs de déployer ces outils. Le programme de recherche sera également accéléré et les ressources nécessaires à la gestion des projets seront augmentées.
- La France s’assurera de l’homogénéité de l’application de la décision de la CJUE au sein de tous les pays de l’Union européenne afin d’éviter toute distorsion préjudiciable à la filière française.
- La France va déclencher une clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne afin de s’assurer que les semences, betterave et sucre de betterave importés en 2023 ne peuvent pas être traités avec des néonicotinoïdes.
- En 2023, l’État mettra en place un accompagnement financier pour soutenir les planteurs, mobilisable en cas de pertes de rendements liés à la jaunisse. Cette aide, dont les éléments techniques devront être définis rapidement, a vocation à sécuriser les planteurs et les industriels dans cette transition.
Poids lourd du secteur, Cristal Union s’est immédiatement mobilisé afin d’accompagner ses agriculteurs – coopérateurs. Le groupe entend définir, avec l’interprofession et les pouvoirs publics, des protocoles de surveillance, d’alerte et de protection des plantes opérationnels pour la campagne à venir. Pour la campagne 2023, dans un contexte de marchés porteurs, Cristal Union annonce un objectif de prix de 45 euros la tonne de betteraves à 16°, en forte augmentation.