Emballage
Et si le "sans bisphénol A" devenait un atout concurrentiel ?
Et si la contrainte imposée par la réglementation française suspendant le bisphénol A dans tous les contenants alimentaires devenait finalement une opportunité pour les opérateurs français ? On en est encore très loin. Mais la profession des industriels de la conserve ne l'écarte pas complètement comme en témoigne Vincent Truelle, directeur de la FIAC (Fédération des Industries d'Aliments Conservés) : "Si la loi française n'était pas respectée à l'importation, on se réserverait le droit de mettre en place une démarche pour indiquer "sans bisphénol A" sur nos emballages."
Egalement directeur de l'Adepale (Entreprises des Produits Alimentaires Elaborés), Vincent Truelle a animé une conférence sur le thème du bisphénol A aux côtés de Patrice Dole, responsable du laboratoire emballage du CTCPA (Centre Technique de la Conservation des Produits Alimentaires) de Bourg-en-Bresse lors du salon Cfia à Rennes le 11 mars dernier. Il a rappelé la situation actuelle délicate dans laquelle se trouvent les fabricants de conserves qui ne peuvent plus ni produire, ni commercialiser, ni exporter des boîtes contenant du bisphénol A. Alors même que cette substance considérée comme perturbateur endocrinien est acceptée partout ailleurs dans le monde et a été jugée par l'Efsa sans danger aux niveaux d'exposition actuels de la population.
Le CTCPA va contrôler les produits importés
Pouvant être considérée comme contraire à la libre circulation des marchandises, la loi française n°2012-1442 du 24 décembre 2012 pourrait faire l'objet d'un contentieux communautaire. Mais, en attendant la décision de la Commission Européenne, les industriels s'inquiètent. "La loi française sera-t-elle respectée par les produits importés ?, questionne Vincent Truelle. Car la règle doit être la même pour tout le monde. Il ne faudrait pas discriminer les produits français. On sait que lorsqu'on négocie avec la grande distribution, chaque centime compte."
De ce fait, l'industrie de la conserve prend déjà les devants et le CTCPA travaille sur des méthodes de détection du bisphénol A dans les boîtes métalliques. "Il faut contrôler l'absence de bisphénol A dans la formulation même des vernis et pas seulement dans le produit alimentaire lui-même", indique Patrice Dole. Le CTCPA se chargera alors, le cas échéant, de contrôler les produits importés. Et s'ils contiennent du BPA, la profession se garde la possibilité de créer cette allégation "Sans bisphénol A". Celle-là même que les industriels avaient craint de voir apparaître sur les produits (à marques de distributeurs notamment) entre décembre 2012 et janvier 2015. "Nous craignions, à l'époque, que les produits "sans bisphénol A" jettent le doute sur les autres produits français" qui n'étaient pas encore sans BPA", explique Vincent Truelle. Désormais, il n'y a plus de frein à défendre d'un bloc toutes les conserves françaises sans BPA face aux conserves étrangères.
Rendre les substituts "sans BPA" plus efficaces et plus compétitifs
En parallèle, le centre technique recherche également des substituts plus fiables à ceux qui ont été trouvés en urgence suite à la promulgation de la loi française. "Nous n'avons eu que deux ans pour substituer tous les vernis, indique Patrice Dole. Il n'a donc pas été possible d'imaginer d'autres molécules. Nous sommes partis de vernis existants, en majorité à base de polyesters, dont nous avons optimisé les performances." Pour autant, même s'ils font l'affaire, les vernis actuels sont moins résistants à la rayure, posent des problèmes d'adhérence et n'assurent pas les mêmes résistances thermiques. D'où la réduction des DLUO de 5 à 4 ans sur les produits non agressifs et de 3 à 2 ans pour certains plats cuisinés contenant des sauces acides, salées ou vinaigrées.
"Nous allons chercher du côté de substituts issus, cette fois, de la chimie époxy. Car la meilleure des solutions, que nous avions évoquée en 2013 mais qui n'a pas été acceptée, aurait été de retravailler les vernis avec bisphénol A tout simplement pour qu'ils ne relarguent pas de BPA libre." Qu'on se le tienne pour dit, les industriels français ne reviendront pas sur des vernis avec BPA. Ils préfèrent trouver des conserves "next generation" qui assurent les mêmes DLUO et résistances qu'auparavant. "La profession a déjà dépensé 30 millions d'euros pour passer sur du sans BPA", argumente Vincent Truelle. Suffisant pour ne pas faire machine arrière. Et même pour s'en prévaloir.