Taxe sur les sodas et spiritueux : la levée de boucliers !
Rarement un projet de taxation n’aura déclenché une telle levée de boucliers. Dans son projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2012, le gouvernement prévoit en effet d’augmenter les taxes pesant sur les boissons sucrées et sur certaines boissons alcoolisées (de 16 à 47 % pour les spiritueux). Nos confrères de Rayon Boissons détaillent ici la construction envisagée. Selon le projet de loi, le rendement serait de 340 M€ sur les spiritueux et de 120 M€ sur les boissons sucrées. Au-delà de l’argument budgétaire, la motivation de santé publique est largement mise en avant, que ce soit au niveau de la lutte contre la consommation d’alcools forts chez les jeunes, ou au niveau de la prévention de l’obésité.
Une mesure discriminatoire
Les interprofessions sont montées au créneau pour dénoncer le caractère discriminatoire de la mesure envisagée. Dans un communiqué, la filière des spiritueux dénonce la stigmatisation des alcools de plus de 18 ° qui laisse entendre « sans qu’aucune étude scientifique ne le justifie, qu’il y aurait de bons et de mauvais alcools ».
Elle pointe également les risques de report de la consommation vers les alcools les moins chers, sans effet bénéfique pour la santé publique, ainsi que le risque d’augmentation des ventes transfrontalières. Jean-Pierre Lacarrière, président de la Fédération française des spiritueux rappelle que « c’est la consommation excessive , quelle que soit la boisson alcoolisée, qui entraîne des phénomènes d’intoxication alcoolique aiguë ».
La mesure gouvernementale vise partiellement le secteur des alcools, épargnant certaines productions régionales tels les rhums Outre-Mer. Ce qui ne manque pas de semer la zizanie au sein des producteurs. La FFS va jusqu’à pointer du doigt le fait que « le gouvernement épargne les trois-quarts des boissons alcoolisés voire, pour certains, projette de diminuer les taxes pour des raisons purement électoralistes ». Ceci alors même que les alcools entre 19° et 25 ° tels les liqueurs et les crèmes de cassis , que l’on peut qualifier pourtant de produits régionaux, subissent une hausse de 45 % (la plus élevée).
Purement et simplement illogique et scandaleuse
Dans un communiqué, l’Ania qualifie le projet de mesure « purement et simplement illogique et scandaleuse », ajoutant qu’elle « revient à stigmatiser ces produits en les désignant comme « mauvais » ou « nocifs », en appliquant la même politique fiscale que pour le tabac, sans justification scientifique ».
« Sur le marché français, il n'y a pas de produits alimentaires « nocifs » qui justifierait d'être pénalisé financièrement. Or, si elles étaient adoptées, ces mesures de taxation sur quelque produit alimentaire que ce soit, y compris les boissons sucrées ou les spiritueux, viendraient semer le trouble et jeter l’opprobre sur tous les produits, auprès des consommateurs, dans un climat déjà très anxiogène », martèle Jean-René Buisson, président de l’Ania.
L’association porte-parole de l’industrie alimentaire rappelle que les boissons sucrées représentent moins de 3,5 % de l’apport calorique quotidien des Français et que cette mesure méconnaît par ailleurs l’action engagée par les industriels concernés, souvent en concertation avec l’Etat : réduction du taux de sucres dans leurs boissons, mise en oeuvre d’une communication responsable et promotion de l’activité physique. L’Ania ajoute que « les spiritueux sont déjà taxés à hauteur de plus de 80% du prix de vente aux consommateurs. Par conséquent, cette nouvelle mesure, qui prévoit une augmentation de 90 centimes par litre pour les boissons titrant 40°, ne fait qu’accroître la discrimination dont font déjà l’objet ces produits ».
Réduire le prix des fruits et des légumes
Si l’argument de santé publique est largement invoqué pour justifier la mesure, il ne satisfait pas outre-mesure les professionnels de santé. Dans une interview donnée au site web du journal Le Monde, Thérèse Libert, vice-présidente de l'Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) regrette l’aspect partiel du projet de taxation et lui préfère la réduction « du prix des produits sains, les fruits, les légumes, le poisson plutôt que de taxer les produits sucrés ».
Le projet de loi entrera en discussion au Parlement dès le mois d’octobre.