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Perturbateurs endocriniens

L'Anses secoue la filière soja et la restauration collective

L’Agence nationale de sécurité des aliments recommande de ne pas servir d’aliments à base de soja en restauration collective pour éviter une surconsommation d’isoflavones. Elle invite aussi les producteurs et les acteurs de l’agroalimentaire à revoir les techniques de production et de transformation du soja.
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  • Auteur : Stéphanie PERRAUT
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Bientôt la fin des aliments à base de soja en restauration collective ? Alors qu'elle a publié il y a quelques jours des repères alimentaires pour les végétariens , l’Anses (Agence nationale de sécurité des aliments) le préconise en conclusion d’une récente évaluation du risque sanitaire de la consommation d'aliments contenant des isoflavones  menée à la demande des directions générales de l’alimentation (DGAL) et de la santé (DGS). En cause, l’exposition des consommateurs aux isoflavones, des molécules naturellement présentes dans les légumes et légumineuses qui sont connues pour avoir une activité hormonale œstrogénique . Or la teneur en isoflavones est particulièrement élevée dans certains aliments élaborés à partir de soja

Pour aboutir à cette conclusion, l’Anses a d’abord défini des valeurs toxicologiques de référence ( VTR ) par ingestion pour cette famille de molécules . Elle s’est pour cela appuyée sur les connaissances scientifiques disponibles chez l’être humain et l’animal. Deux VTR ont été établies à partir d’effets toxiques affectant le système reproducteur : 

  • pour la population générale , de 0,02 mg par kg de poids de corps et par jour 

  • pour les femmes enceintes et en âge de procréer ainsi que les enfants prépubères , de 0,01 mg/kg de poids de corps/jour.

Ces valeurs ont ensuite été comparées aux niveaux d’exposition alimentaire de la population française calculés à partir des données recueillies dans les études Inca3 , EAT2 et EATi menées par l’Anses.

Conclusion, il existe un risque de dépassement des VTR chez les consommateurs d’aliments à base de soja . Ainsi, 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant ces aliments dépassent la VTR, de même que 53 % des filles de 11 à 17 ans, 47 % des hommes de 18 ans et plus ainsi que des femmes de 18 à 50 ans. Ces résultats conduisent l’Anses à recommander de ne pas proposer ces aliments en restauration collective pour éviter que les repas pris dans ce cadre ne contribuent au risque de dépassement.

Réduire la teneur en isoflavones du soja est nécessaire et possible

L’Agence conseille de diversifier les aliments d’origine végétale , sachant que les légumes secs autres que le soja sont nettement moins riches en isoflavones. Des actions sont également possibles pour réduire les teneurs en isoflavones des produits à base de soja. Actuellement, une grande variabilité de ces teneurs est observée entre eux. Il y a par exemple 100 fois plus d’isoflavones dans des biscuits apéritifs à base de soja que dans la sauce soja.

Cette variabilité se retrouve aussi pour un même aliment , avec des teneurs pouvant par exemple varier du simple au double parmi les desserts au soja présents sur le marché français. Ceci est dû à plusieurs facteurs : d’une part la variété de soja, les conditions de culture et le degré de maturité de la plante, et d’autre part les procédés de fabrication ou la formulation des recettes.

Du côté de la restauration collective, qui représente 10 à 12 % des repas consommés par les Français (Source : enquête Gira 2024), le SNRC (Syndication national de la restauration collective) a indiqué par voie de communiqué avoir « pris connaissance de l’avis, rendu sur la base de travaux scientifiques […]. Cette recommandation s’inscrit dans la lignée de nombreuses recommandations et réglementations déjà intégrées par les entreprises de la restauration collective , ce qui en fait un modèle d’utilité publique exemplaire au service de la santé des Français ». L’organisation en profite pour rappeler que « le soja […] n’est plus utilisé pour les repas en crèches et de manière très limitée dans les cantines scolaires conformément au guide du Conseil national de la restauration collective (CNRC) sur l’expérimentation du menu végétarien (soit environ 1 repas contenant du soja, sur 5 repas végétariens) ». 

L’incompréhension des producteurs de soja

Sojaxa, l’association pour la promotion des aliments au soja, et Terres Univia, l’interprofession des huiles et des protéines végétales, ont quant à elles sollicité un rendez-vous avec l’Anses. Elles s’étonnent en effet de la position de l’Agence, qui diverge des recommandations émises par d’autres autorités de santé européennes . Et citent en l’exemple l’Allemagne et l’Autrice. « La Deutsche Gesellschaft für Ernährung (DGE, Société Allemande de Nutrition) recommande dans ses lignes directrices nutritionnelles de mars 2024 la consommation de produits à base de soja pour leurs apports en protéines. De même, le ministère de la Santé [autrichien], dans ses recommandations publiées en juillet 2024, considère les produits au soja comme une alternative aux protéines animales, mettant en avant leurs bienfaits nutritionnels », peut-on lire dans un communiqué conjoint. 

Sojaxa et Terres Univia regrettent en outre que les bienfaits du soja et l’approche bénéfices-risques n’aient pas été pris en compte dans les travaux de l’Anses . « [L’Agence] n’a pas intégré dans son analyse les résultats de différentes études menées chez l’Homme qui suggèrent qu’il n’y a pas de risques liés à la consommation de soja, voire d’autres études épidémiologiques qui mentionnent les bénéfices liés à la consommation de produits au soja, ainsi que des antécédents de consommation de produits au soja en Asie depuis des millénaires », estiment-elles. 
 

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