Comme de nombreux responsables marketing et R&D de fabricants d’aliments, le président d’Intermarché ne cache pas l’influence de Yuka. A tel point que l’appli de notation des aliments donne désormais le ton de la formulation pour les marques propres de l’enseigne. Et pour cause, son utilisation en magasins conduit les Français à des comportements d’éviction de certains produits ou marques. Ainsi Thierry Cotillard a annoncé la refonte de plus de 900 recettes pour atteindre un Nutri-Score A, B ou C et un score Yuka supérieur à 50. Carrefour n’a pas tardé à réagir à cette annonce en rappelant son objectif d’apposer le Nutri-Score d’ici 2022 sur les 7000 produits à sa marque (y compris Carrefour Bio et Veggie). Depuis 2018, l’enseigne rappelle qu’elle a déjà retiré 100 substances controversées de ses recettes.
L’appli Yuka, qui note les aliments selon trois grandes familles de critères (présence d’additifs controversés, profil nutritionnel Nutri-Score et conventionnel/bio), n’est pourtant pas exempte de critiques. Alors que le Conseil national de l’alimentation va rendre son avis sur l’éducation alimentaire, l’Inserm a donné la parole à l’épidémiologiste Mathide Touvier qui dirige le laboratoire Inserm, à l’origine du Nutri-Score. Et son verdict est implacable.« Certaines applis de notation alimentaire lissent à leur façon les résultats du Nutri-Score, ce qui n’est pas acceptable. D’autres modifient les scores selon les procédés de production ou la composition en additifs, sans fondement scientifique. Ces amalgames sont dangereux », déclare-t-elle (Lire ici ses propos complets). Mathilde Touvier rappelle que Santé publique France collabore avec la base de données Open Food Facts, qui, souligne-t-elle « contrairement à Yuka, ne pondère pas le Nutri-Score selon la présence d’additifs, mais elle les mentionne ».
Nicole Darmon pointe les dangers
Dans la même communication, l’Inserm donne la parle à la nutritionniste Nicole Darmon, qui fut à l’origine de la méthode « Sain et Lim » d’évaluation du profil nutritionnel des aliments. Un dispositif qui, contrairement au Nutri-Score, présente les deux facettes nutritionnelles d’un aliment, à travers deux indicateurs distincts, l’un pour le côté positif et l’autre pour le côté négatif. La directrice de recherche à l’Inra tire à boulets rouges sur ces applis. Elle rappelle les nombreuses erreurs des bases de données source. Et déplore l’individualisation du rapport à l’alimentation ainsi que la substitution de la notion de plaisir par la notion d’inquiétude. Elle ajoute que le Nutri-Score pose aussi des problèmes « liés en partie à son algorithme de calcul, qui combine en une seule note les caractéristiques positives et négatives de l’aliment, ce qui n’a aucun fondement physiologique, comme l’indiquait l’Anses en 2008 ».
Le débat n’a pas fini d’être ouvert. Outre Yuka, et les « succédanées » lancées par certaines enseignes de la grande distribution, l’appli ScanUp commence à se faire entendre. Basée sur le score Siga,elle intègre à sa notation le degré de transformation, ce qui avait au passage fait réagir vivement les experts de l’Académie d’Agriculture (Lire ici). Ce qui n’a pas empêché la Feef (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France) de signer un partenariat avec ScanUp pour offrir à ses adhérents la possibilité de tester leurs innovations via l’appli directement avec les consommateurs dans une démarche de co-création (Lire ici).
Une nouvelle appli lancée par C'est qui le Patron ?!
Une autre actualité chaude provient de « C’est qui le Patron ?! - La Marque du Consommateur », qui va lancer fin octobre 2019 sa propre appli « C’est quoi ce produit ». Cet outil d'aide à la consommation veut rivaliser avec Yuka. Il va évaluer les produits en linéaires selon leur correspondance avec les attentes exprimées par les consommateurs, selon les grandes familles de critères : impact environnemental, éthique, qualité, nutrition, prix, origine, appréciation. Plus de 180 000 votes d’attentes ont été enregistrés via le site C'est quoi ce produit ?! (Cliquez ici). Une réalisation permise par le travail de Laurent Pasquier, co-fondateur de La Marque du Consommateur (avec Nicolas Chabanne), et qui il y a huit ans avait développé le site Mesgouts.fr sur la base de 20 000 produits dont les caractéristiques sont renseignées manuellement.