Matières premières agricoles : la fin d’un cycle

31 octobre 2016 - Pierre Christen

L’heure est venue de développer des outils de gestion du risque de prix et d’engager les filières dans des démarches contractuelles à moyen terme », affirme Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Vendredi 26 octobre, lors des « Entretiens » de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, Philippe Chalmin, son président, a martelé que « le supercycle des matières premières de 2006 à 2014 est bel et bien terminé ». L'heure est donc à l'instabilité des prix des matières premières agricoles. Philippe Chalmin, qui est également le coordonnateur du rapport Cyclope, souligne l’orientation à la baisse des cours des produits alimentaires, en pointant notamment les céréales.

Les cours du blé et du maïs baissent, suite à des récoltes exceptionnelles partout dans le monde en 2016 (hormis en France). "C’est un des fondamentaux des marchés agricoles", commente-t-il. Pour le blé et le maïs, la baisse a même débuté dès la fin 2012. Ainsi le cours du blé à Chicago est passé de près de 9 $ par boisseau (novembre 2012) à moins de 4 $ par boisseau actuellement. A Paris, le cours du blé de meunerie, a lui aussi chuté sur la même période pour passer de 275 €/tonne à 160 €/tonne. Quant au cours du maïs aux Etats Unis, il a dégringolé, passant de près de 8 $ par boisseau à moins de 3,5 € par boisseau.

« Les perspectives restent contrastées », souligne toutefois l’économiste, qui note un léger rebond en 2016 pour l’huile de palme et surtout le sucre, dont les cours ont doublé en 2016 par rapport à 2015 pour dépasser les 22 cents$ par livre. Un rebond est observé également pour les produits laitiers depuis le début de l’été, et même pour le porc. « L’appétit chinois dope certains produits, indique-t-il. La Chine émerge comme un importateur durable de produits agricoles, du soja au porc ». En revanche, la viande bovine subit les contrecoups de la crise laitière, avec l’augmentation du nombre de vaches laitières de réforme sur le marché. Le prix des gros bovins avoisine les 340 €/100 kg en France, contre 400 €/100 kg mi-2013.

Avec le démantèlement progressif des outils européens de régulation des marchés, le glas des garanties de prix publiques a donc sonné. « Il faut vivre sans la PAC et oublier les garanties de prix. L’heure est venue de développer des outils de gestion du risque de prix et d’engager les filières dans des démarches contractuelles à moyen terme », affirme Philippe Chalmin.

En la matière, l’Ifip-Institut du porc a établi un état des lieux de la contractualisation dans la filière porcs en France. Sur la vingtaine d’initiatives recensées, près de la moitié visent à sécuriser un prix ou une marge, 30 % un objectif de qualité du produit et 20 % sécuriser un approvisionnement ou un débouché. Les contrats font cependant face à des difficultés lors de leur mise en place, sur des problèmes techniques (manque de connaissance, validité des indicateurs,…) ou des freins plus culturels La culture du marché spot et la référence au marché du porc breton sont très ancrées. « Lancées sur des volumes restreints, ces initiatives ont valeur de laboratoire d’essai », estime Estelle Antoine du pôle économie de l’Ifip.

De son côté, l’ITAVI, Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole, a passé au crible les relations commerciales entre industriels de la volaille et grande distribution autour des stratégies MDD. "Les relations industrie grande distribution sont peu inscrites dans le long terme, ce qui fragilise l’amont industriel. Les marchés de MDD sont très largement des marchés partagés et ne font que rarement l’objet de partenariats construits autour de charges des charges innovants. ", pointe Pascale Magdelaine, directrice du service Economie. Elle cite toutefois quelques exigences spécifiques, par exemple le sans OGM sur les MDD Label Rouge et sur l'ensemble des MDD Carrefour. Et met en avant quelques partenariats autour de MDD premium (poulet sans antibiotique avec Fermiers d'Auvergne et Carrefour, Système U et les poulets Nouvelle Agriculture de Terrena ou encore Casino avec les Fermiers du Gers).

En revanche, la note positive provient du recul de l'import. "Certains enseignes ont stoppé les achats de poulets belges ou allemands , d'autres les ont fortement réduits. Les industriels ont amélioré la compétitivité prix , et la mise en avant du logo volaille français eainsi que la pression de l'opinion publique pour une origine locale ont joué", analyse-t-elle. Reste que l'amélioration est fragile, car il subsiste un écart de compétitivité, avec des différences de prix jusqu'à 10-15 %. En conclusion Pascale Magdelaine voie un redéveloppement de partenariats autour de cahiers des charges innovants et estime les sources de différenciation à l’avenir pourrait être davantage les modes d’élevage et l’origine locale.

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