Avec l’apparition d’épisodes de sécheresse plus fréquents et plus longs, la question du partage des ressources en eau potable se pose en Bretagne, comme sur l’ensemble du territoire national. « Toute la région est concernée : le Morbihan et le Finistère avec de nouveaux arrêtés-cadres « sécheresse », l’Ille-et-Vilaine et les Côtes d’Armor par une révision d’arrêtés existants », illustre Clothilde d’Argentré, chef de projet à l’ABEA (Association bretonne des entreprises agroalimentaires). Sur le terrain, les arrêtés sont associés à des restrictions d’usage qui peuvent aller jusqu’à – 25 % de prélèvement. Ce qui pèse lourdement sur les activités industrielles. D’autant plus dans le secteur agroalimentaire qui doit satisfaire en parallèle à des exigences de sécurité des aliments. « Le délestage technique est possible mais il peut présenter des risques sanitaires à évaluer et maîtriser. Laver avec moins d’eau n’est pas sans conséquences », confirme-t-elle. Pour résoudre cette équation, le secteur est déjà engagé dans une démarche de réduction de sa consommation en eau.
Plus de 2,5 millions de m3 d’eau pourraient être économisés en Bretagne
En Bretagne, l’ABEA anime depuis octobre 2019 le « Collectif eau propre » qui travaille sur le « re-use », c’est-à-dire sur la réutilisation, au sein même des process alimentaires, des eaux usées traitées et, pour la filière laitière, des eaux extraites du lait. En utilisant ces eaux « non conventionnelles » en substitution à l’eau potable, les sites industriels pourraient réduire de façon importante leur consommation en eau potable. « Nous avons sondé 28 sites bretons. Pour ce seul échantillon, 2,5 millions de m3 d’eau potable pourraient être économisés si les verrous réglementaires étaient levés. Cela représenterait une économie équivalente à 800 piscines olympiques ! », explique Clothilde d’Argentré. Les technologies sont prêtes et garantissent la qualité sanitaire de l’eau. Ailleurs dans le monde, y compris chez nos voisins européens (dont la Belgique), elles sont déjà à l’œuvre avec succès. En France, le blocage majeur est lié à la réglementation du Code de la Santé Publique concernant « l'eau potable », qui doit obligatoirement être issue du milieu naturel.
Des verrous réglementaires à lever
Pour aller plus loin et tenter de lever les verrous réglementaires, l’ABEA a transmis le 17 juin 2021 au préfet de Bretagne une lettre co-signée par Olivier Clanchin, président de l’ABEA, Jean-François Appriou, président de la Coopération Agricole Ouest, ATLA (Interprofession laitière) et 28 entreprises agroalimentaires bretonnes. Ce courrier vise à obtenir l’appui de l’administration sur le développement et le cadrage d’expérimentations de « re-use » sur le territoire. Car, sur le plan réglementaire, la situation avance à pas de souris. L’article 69 de la loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi Agec) modifie le Code de l’environnement et encourage « le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l’utilisation des eaux de pluies en remplacement de l’eau potable ». En attendant (toujours) le décret d’application, le décret 2021-807 du 24 juin 2021 relatif à « la promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau » fait une nouvelle fois entrer les eaux non conventionnelles dans les textes. Il ajoute au 4° de l'article R. 181-13 du Code de l’environnement que les entreprises doivent détailler dans leur demande d’autorisation environnementale « le cas échéant, les mesures permettant une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l'utilisation des eaux de pluie en remplacement de l'eau potable ». Un petit pas certes, mais une avancée malgré tout vers une généralisation des technologies de « re-use ».