L'étiquetage de l'origine des viandes ingrédients revient au centre des débats
Le gouvernement français a décidé de redonner de l'élan au projet d'étiqueter la viande utilisée en tant qu'ingrédient dans les plats transformés. C'est une revendication forte qui émane d'un amont agricole en crise. Et qui est de nouveau portée par le gouvernement. Un projet de décret a été présenté vendredi à Paris par les ministres Stéphane Le Foll et Emmanuel Macron aux représentants de la filière agroalimentaire (éleveurs, industriels et distributeurs). Ce texte a été exposé aujourd'hui en Conseil des ministres de l'agriculture ; il devrait ensuite être transmis à la Commission Européenne et au Conseil d’Etat. Particularité, la disposition initiale a été élargie au lait utilisé dans les produits transformés.
Effet d'annonce ou réel projet ?
Rappelons que la France avait introduit dans la loi de mars 2014 relative à la consommation un article rendant obligatoire l'indication du pays d'origine pour tous les produits transformés à base de viande sous réserve que cette disposition soit déclarée compatible avec le droit européen par la Commission européenne. Ce fut sans effet.
Difficile de présager du sort de cette nouvelle tentative, mais il y a une forte probabilité qu'elle se heurte à nouveau à l'opposition de la Commission européenne. Celle-ci fonde ses réticences sur un rapport de 2013 qui pointait la complexité et le coût d'application de la mesure. Sur les principes, il faut aussi comprendre que Bruxelles, tenant de l'harmonisation européenne, ne veuille céder à des arguments invitant au repli sur soi commercial. On peut cependant imaginer que le gouvernement cherchera à peser de tout son poids sur un dossier aussi sensible.
Une nouvelle résolution du Parlement européen
La France a de son côté les eurodéputés qui ont adopté en février 2015 une résolution demandant à la Commission d’imposer cette mesure. Une nouvelle résolution du Parlement européen réitérant la demande est en cours d'élaboration. Dans l'Hexagone, l'opinion publique a été chauffée à blanc par l'enquête de l'UFC Que Choisir publiée le 08 février.
L'association a passé au crible les étiquetages de 245 aliments transformés à base de viande (marques nationales et distributeurs). Résultat, moins d'un produit sur deux porte la mention du pays d'origine. C'est sur les produits de bœuf (plats préparés frais, plats surgelés, boîtes de conserve, plats à conservation ambiante, sauces bolognaises) que l'on trouve le plus l'information avec 70 % des produits étiquetés. Le score tombe à 43 % pour les produits de porc (jambons, rillettes, plats préparés, saucisses de Strasbourg, sandwich au jambon) et à moins de 25 % sur les produits à base de poulet (plats tout préparés, panés et nuggets, sandwichs, blancs de poulet, saucisses de poulet, découpes de poulet cuit). « Des résultats particulièrement décevants », juge l'association.
Moins d'un produit sur deux porte la mention de l'origine
L'UFC Que Choisir observe une faible corrélation entre l'étiquetage et la complexité des recettes ainsi qu'une diversité d'approche selon les fabricants illustrant des choix différents de politique d'approvisionnement, mais aussi de communication. Ainsi des marques comme Charal, Le Gaulois, Marie, Zapetti ou Findus étiquettent l'origine sur 100 % de leurs produits examinés. En revanche, l'étiquetage de l'origine est absent des produits Daunat, Sodebo et Père Dodu. Des résultats intermédiaires sont observés pour Bordeau Chesnel (67%), Herta (50%), Panzani (50%), Fleury Michon (33%) et William Saurin (14%). Quand aux MDD, les résultats sont aussi très contrastés : Intermarché (84%), Carrefour (57%), Système U (48%), Leclerc (33%), Auchan (32%), Casino (24%) et Leader Price (23%).
Ce qui fait dire à l'association que trois ans après les engagements de transparence pris lors du scandale de la viande de cheval, « plus d'un produit sur deux comporte une information lacunaire, empêchant les consommateurs d'avoir une vision claire et complète de l'origine des viandes ».
Dans la foulée, Régis Lebrun, dg de Fleury Michon, a annoncé qu'il allait appliquer la disposition sur ses produits, le fruit d'un projet mené depuis plusieurs mois au sein du groupe vendéen.
Cette focalisation du débat sur l'origine France pose question pour nombre de professionnels. Lors de son départ de l'interprofession porcine, la FICT, représentant les industriels charcutiers, avait rappelé que 80 % de la viande de porc utilisée par les charcutiers français provient de France. Un plafond, du fait des difficultés de l'amont à répondre aux demandes qualitatives des transformateurs. Ainsi, des déficits sur certains pièces de porc sont observés comme par exemple sur les jambons de taille moyenne pour le jambon cuit ou encore la viande de coche pour les rillettes et le saucisson sec.
De son côté, le gouvernement l'a certainement compris. Lors de la réunion de vendredi, les ministres ont mis l'accent sur les négociations commerciales en cours.