Procédés
Surgélation : trois procédés pour un produit décongelé identique au frais
Entre des marchés à décrocher à l’export et l’appétit croissant des consommateurs français pour des produits longue conservation « comme du frais », les technologies de surgélation jouent un rôle clé dans l’innovation. Equipementiers et chercheurs explorent de nouvelles pistes pour réduire l’impact du froid sur la couleur et la texture des aliments. Les cristaux de glace sont dans la ligne de mire. La réduction de leur taille, voire leur disparition, au cours du processus de congélation constitue un axe majeur de recherche.
Le projet Freezewave congèle lentement dans un champ de micro-ondes
Pour réduire la dimension des cristaux de glace, les congélations rapides sont souvent privilégiées. Mais ces procédés sont également plus énergivores que la congélation statique, classique. Le projet Freezewave a vocation à apporter une solution alternative. Coordonné sur trois ans (2015-2018) par Alain Le Bail du laboratoire Oniris à Nantes (44), il concerne l’étude de l’impact des micro-ondes (2450 MHz) appliquées au cours d’un processus de congélation lente. Des travaux menés en 2014 par Oniris avaient déjà montré qu’une réduction de 62% de la taille moyenne des cristaux pouvait être obtenue sur des échantillons de viande de porc.
Freezewave regroupe autour du centre de recherches nantais l’équipementier français Sairem, le centre allemand TTZ Bremerhaven et l’institut suédois Rise. Un système batch a été développé autour d’un appareil micro-ondes de type domestique, doté d’un émetteur basse énergie. Le TTZ le met en œuvre pour tester le procédé sur du poisson. Il étudie l’influence des ondes sur la micro-structure, la perte de poids et la texture du produit. Les résultats sont encourageants. Le projet vise aussi le développement d’un équipement industriel continu. Les conclusions des recherches seront dévoilées le 5 novembre 2018 en préambule de la conférence internationale Effost, qui se tiendra cette année à Nantes.
Optifreeze combine vide et champs électriques pulsés
La société suédoise Optifreeze exploite plusieurs brevets pour concevoir des solutions industrielles de surgélation innovantes, en particulier pour les fruits et légumes. Son procédé « Opticept » regroupe deux machines : l’une pour une imprégnation sous vide et la seconde pour l’application d’un champ électrique pulsé. Le produit pré-traité (trié, lavé, coupé etc.) est placé dans des contenants adaptés, au sein d’une chambre sous-vide. Cette même chambre est reliée à un mélangeur dans lequel l’Opticap (une poudre constituée principalement de protéines cryo-protectrices) est solubilisé dans de l’eau. Lors de la phase d’imprégnation, la chambre passe en condition sous vide ; l’air sort des tissus végétaux. Il est remplacé par la solution d’Opticap, introduite directement dans l’enceinte.
Après vidange de la chambre sous vide, le produit est transféré vers l’équipement de champ électrique pulsé. Il repose sur un convoyeur immergé dans un bain d’eau à conductivité maîtrisée. Ce traitement génère la formation temporaire de pores dans les membranes cellulaires. Le cryoprotecteur vient remplir les cellules végétales et y reste lorsque les pores se referment. Suite à cela, le produit peut subir un traitement classique de surgélation sans subir les méfaits du froid en termes de perte de couleur ou d’altération de la texture.
Qwehli utilise le procédé de « froid magnétique » CAS Fresh
Le spécialiste des produits de la mer haut de gamme à destination des chefs met en œuvre un procédé de surgélation, unique en Europe, qui mêle le froid, mécanique ou cryogénique, et un champ magnétique. Baptisé CAS Fresh (pour Cells Alive System), il a été créé par le Japonais Norio Owada dans la seconde moitié des années 90. La température se situe entre -35°C et -60°C. La vibration engendrée par les forces magnétiques évite la formation de cristaux de glace. Une électronique spécifique évite l’échauffement excessif. A la décongélation, aucun exsudat ne se forme : l’aliment conserve ses vitamines et ses minéraux.
Le système installé à Lorient (56) chez Qwehli, groupe Océinde, est la première installation en Europe de cette technologie, utilisé dans des dimensions industrielles au Japon depuis une dizaine d’années. Il a été conçu par Celladon, une autre filiale d'Océinde, avec les sociétés Messer (pour l’azote cryogénique), CES (pour la cellule de froid) et ABI (détentrice des brevets). Celladon dispose des droits de distribution exclusifs de la technologie en Europe. La solution exploitée par Qwehli est en mesure de délivrer de 250 à 300 tonnes de produits par an. Les produits issus du procédé CAS Fresh se positionnent en concurrence non pas avec le congelé mais avec le frais. Utilisée avec succès pour les produits de la mer, la technologie fonctionne tout aussi bien avec la viande, les pâtisseries, le fromage, les plats cuisinés ou encore les fruits et légumes, découpés voire entiers dans certains cas. (lire Septembre 2017, « Qwehli révolutionne le frais décongelé »)