Le projet FUI Blastec coordonné par l'Inra de Theix et d'Aurillac a mis en exergue une souche bioprotectrice pour lutter contre la bactérie E. coli O26 :H11 dans les fromages au lait cru.

Comment lutter contre les Escherichia coli producteurs de shiga-toxines (STEC) dans les fromages au lait cru ? Le projet FUI Blastec (2011-2014), qui cherche à identifier de nouveaux procédés de compétition microbienne pour garantir la sécurité alimentaire de ces filières, a mis en exergue l'effet bioprotecteur de la souche Hafnia alvei sur ces matrices.

Pathogènes émergents, les STEC sont associés à des épidémies alimentaires types colite hémorragique, syndrome hémolytique et urémique, et sont susceptibles d'entraîner à terme des lésions rénales parfois mortelles. Parmi les principales matrices concernées, la viande hachée de bœuf arrive en tête, suivie du lait principalement contaminé par le sérotype E. coli O26 :H11. Un problème majeur de sécurité des aliments qui, il y a quelques années, a impacté la production des fromages au lait cru en France, qui en termes de chiffres représente plus d'un fromage sur dix.

Hafnia alvei efficace sur les souches O26 :H11, O26 :H1 et O157 :H7

Les leviers d’action disponibles pour limiter le développement des STEC étant actuellement limités, deux équipes de recherche des unités de microbiologie et de recherches fromagères de l'Inra de Theix et d'Aurillac se sont intéressées à la bio-préservation. Pour ce faire, un travail de criblage de souches potentiellement inhibitrices des STEC a été effectué sur des matrices lait-fromage. Trois STEC ont été testés (O26 :H11 (souche 21765) – O26 :H1 (souche F43338) et O157 :H7 (souche FCH6) et neuf souches ont été retenues pour leur efficacité sur des pâtes pressées non cuites, type Cantal et Saint-Nectaire ainsi que sur des pâtes persillées, type Roquefort. L'une d'entre-elles, Hafnia alvei (B16), s'est notamment distinguée par son efficacité sur les trois souches et ce, dans toutes les technologies fromagères.

Les scientifiques ont également mis en exergue que l'optimisation de la température en début de fabrication et le niveau d’inoculation de la souche sont des paramètres clés pour renforcer l’action bioprotectrice. Des travaux complémentaires portent actuellement sur la compréhension des mécanismes en jeu dans l’inhibition.

Pour renforcer l’efficacité de H. alvei, les scientifiques ont identifié différentes associations avec des souches de bactéries lactiques. Des combinaisons à moduler selon les applications fromagères, pour avoir la bonne équation entre activité inhibitrice et préservation des qualités organoleptiques des produits finis. Ces souches devraient prochainement faire l’objet d’une validation industrielle.

Par ailleurs, la souche H alvei B16 a également montré un potentiel inhibiteur en modèle digestif animal et pourrait être proposée comme additif alimentaire pour les ruminants. Cette application a fait l’objet d’un brevet (n°WO2014114805) en collaboration avec la société Lallemand et pourrait trouver des débouchés dans le cadre d’une stratégie de prévention de l’apparition des STEC dans la filière laitière.

Le projet Blastec a été labellisé par le pôle de compétitivité Agrimip Innovation ainsi que par le pôle Innoviande. Il a bénéficié d'un financement de 1,1 million d'euros dans le cadre du 10ème appel à projets du Fond Unique Interministériel (FUI), pour un budget global de 2,1 millions d'euros. Il vise à rompre le cycle épidémiologique des STEC à différents points, en inhibant le développement des Escherichia coli, producteurs de ces toxines, grâce à une stratégie de biopréservation déployée de la fourche à la fourchette.