« Nous sommes à un évènement climatique de l’explosion mondiale des prix des matières premières. » C’est le constat de Sébastien Poncelet, directeur développement du cabinet de conseil Agritel. En cause, des stocks historiquement bas sur les céréales comme le maïs à cause de la pandémie, une demande chinoise exponentielle et des perspectives de récoltes très compliquées. « Tout a commencé l’an dernier : les récoltes de blé européenne et de maïs américaine et ukrainienne ont été moyennes. La demande mondiale était aussi plutôt à la hausse et sur cela, la Chine a subitement quintuplé ses importations de céréales en un an. Sur le maïs, ses importations sont même passée de 2-5 millions de tonnes par an à 30 millions de tonnes, suite à la découverte d’un énorme déficit de production », explique l’expert. En conséquence, les stocks 2020 ont fondu et les prix ont grimpé.
L’appétit chinois bouleverse la donne
La situation aurait pu se stabiliser car la pandémie a aussi dopé le nombre de surfaces semées partout dans le monde. Mais… la Chine a déjà réservé des volumes records de la prochaine récolte américaine et les conditions climatiques sont en train de drastiquement réduire le rendement du maïs au Brésil, second exportateur mondial. « « Ce probable manque brésilien, il faudra le compenser par du maïs américain, par du blé ou par un rationnement de la demande. C’est l’Europe qui risque d’être la plus touchée car habituellement les deux tiers de nos importations de maïs d’août à octobre proviennent du Brésil », ajoute Sébastien Poncelet. Les prix du blé et de l’orge de brasserie se sont déjà indexés sur la hausse des cours, même si les perspectives de récoltes ne sont pas mauvaises. Par contre, si ces cultures sont aussi touchées par des épisodes climatiques, l’explosion des prix sera inévitable. Ces céréales étant utilisées en alimentation du bétail, les cours des produits animaux (lait, viande, œuf…) pourraient aussi atteindre des sommets. La tendance est déjà à la hausse, menée par les importations asiatiques.
Les huiles battent déjà des records
La situation est encore plus compliquée sur les huiles végétales. « Alors que les prix du maïs Euronext s’approchent de leurs records de 2012 ou 2017, les cours des huiles ont déjà dépassé les records historiques », prévient l’expert d’Agritel. De la même façon, l’explosion de la demande chinoise se conjugue aux rendements tout juste moyens de soja et de colza, aux récoltes décevantes de palme et aux rendements catastrophiques de tournesol l’an dernier. Les stocks se sont effondrés et les prix ont battu des records. Les récoltes d’ici trois à six mois devraient permettre une détente des cours, mais là encore, l’envol des prix ne tient qu’à un événement climatique.
L’industrie alimentaire française largement impactée
Par ricochet, ces hausses de prix touchent les industriels mais aussi leurs fournisseurs d’ingrédients. Le SNIAA (Syndicat National des Ingrédients Aromatiques Alimentaires) signale des difficultés d’approvisionnement sur des extraits de plantes, des substances aromatisantes, venant de l’étranger mais aussi de France. L’Adepale (Association Des Entreprises de Produits Alimentaires Élaborés) et la FEB (Fédération des Entreprises de Boulangerie/Pâtisserie) tirent aussi la sonnette d'alarme vis-à-vis des cours des beurres, poudres de lait, garnitures, farine, mais aussi des emballages, qui ont grimpé de 10 à 20 % en quelques mois. Dans un communiqué commun, les deux syndicats s’inquiètent : « Il s'agit d'une situation historique d'une ampleur inédite qui met en danger la rentabilité et, pour certaines, la viabilité des entreprises du secteur français de l'agroalimentaire. Un phénomène d'autant plus alarmant que plusieurs membres du gouvernement ont confirmé qu'il n'était pas conjoncturel et qu'il risquait de durer dans le temps. » Les deux syndicats demandent à ce que la hausse des cours soit répercutée dans le prix de vente, alors que la guerre des prix entre distributeurs se poursuit.